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6 avril 2008

Topo conflit Israelo-palestinien par Francesca

L conflit Israëlo-Palestinien

Depuis la création d’Israël, et même dès les premières immigrations sionistes des années 1920, la terre de Palestine n’a jamais connu de véritable temps de paix. Ce qui se déroule depuis maintenant plus de soixante ans, c’est un conflit hautement médiatisé (Israël est la pays avec le plus de journalistes par mètre carré), du fait de la longévité du conflit (est-ce que ça va s’arrêter un jour) du fait du soutient américain à Israël, et aussi de la charge symbolique. Finkelkraut : « ce conflit a lieu en terre biblique, à l’endroit même où Paula dit « Jésus est venu abattre le mur d’inimitié entre les uns et les autres » »  Le mur (barrière de sécurité) dressé par Israël en Cisjordanie en 2003 et condamné par l’ONU évoque des images dramatiques même pour les athées : « Israël apparaît aujourd’hui comme le modèle de la nation particulière et guerrière qui refuse l’universalisme démocratique ou la religion de l’humanité ».  Mais attention, le conflit ne se réduit pas à une guerre de religion. Notons l’importance géopolitique de la région pour les américains, ce fut une des raisons pour leur soutient à Israël (pays qui reçoit le plus d’aide américaine par habitant !). Le premier sionisme était athée et socialiste. Israël n’a jamais été une théocratie malgré l’importance que tient la religion dans l’identité juive. Le Fath est aussi un groupe politique athéologique. Aujourd’hui, la religion tient de plus en plus d’importance, et la monté de la violence se fait sous le signe de sa religion. Ce ne fut pas toujours le cas.

I.                   Situation de la Palestine aujourd’hui

(en arabe prononcé Filastine) n’est pas officiellement un Etat. Si l’on parle d’élections ou de gouvernement palestinien, ceux-ci ne sont pas reconnus par d’autres que les Palestiniens eux-mêmes, et par les autorités israéliennes quand ceux-ci cherchent à négocier avec quelqu’un.

La Palestine, c’est d’abord un peuple, et cela, bien plus qu’une terre : en effet, l’identité palestinienne s’est construite avec la perte de la terre, c’est donc un peuple qui s’est uni dans la souffrance, et la solidarité entre Palestiniens est remarquablement forte. Il y a aujourd’hui 3,8 millions de Palestiniens (1,4 à Gaza, 2,4 en Cisjordanie). C’est une des densités de populations les plus importantes au monde. Il y a 6 millions de réfugiés Palestiniens dans le monde aujourd’hui, ils ne peuvent pas rentrer chez eux, Israël leur interdit.

Au-delà des affrontements, il y a une souffrance quotidienne qu’il ne faut pas négliger : comment vivre alors que la colonisation de la Cisjordanie arrive à son terme, que Gaza vit un état de siège ? L’étau israélien n’a pas cessé de se refermer sur ce peuple, d’où la montée des extrémismes.

Le Hamas (groupe islamiste rattaché aux frères musulmans) est arrivé au pouvoir le 25 janvier 2006, au législative. Cela veut dire qu’il y a « cohabitation » avec la Fath (ou Fatha) auquel appartient Mahmoud Abbas, le président palestinien. Cela s’explique dans une très largement par le fait que les Palestiniens n’accordent plus leur confiance au Fath qui ont trop cédé jusqu’à présent (encore que celui-ci n’a jamais eu le choix…) et qui manque de radicalité. Les Palestiniens placent leur espoir dans un groupe qui « ne cédera plus rien ! ».

Avec son arrivé au pouvoir, l’aide internationale a cessé net, avec pour conséquence immédiate la détérioration des conditions de vis des Palestiniens : les fonctionnaires sont rarement payés, la pauvreté atteint 67% de la population et la chômage 40%. En 2008, la Banque mondiale prévoit 74% de pauvres et 47% de chômeurs. De plus la terre se trouve stérilisée et minée à  chaque bombardement israélien (récemment, 70% des cultures d’oranges ont été détruites à Gaza), une frappe coupe systématiquement l’électricité à la moitié de la population. Il faut ajouter à cela les destructions des infrastructures, tel que récemment, une usines employant mille personnes a été détruite.

II.                Ce qui se passe à Gaza

En janvier les gazaouis avaient ouvert la frontière les reliant à l’Egypte pour fuir. Pourquoi ?

Israël a interdit aux Gazaouis de pécher, de commercer avec elle (seule partenaire commercial possible). C’est donc en état de siège que vit Gaza. Les gens se nourrissent de pain, de falafels, de tomates et de concombres qu’ils font pousser eux-mêmes. L’aide de l’ONU ne concerne que 830 000 personnes sur 1,4 million. Le chômage touche deux tiers des habitants de Gaza, un million n’a pas accès à l’eau potable. Les Gazaouis n’ont pas le droit de circuler hors de Gaza…pour le dire moins gentiment, c’est une prison. Rappelons ici aussi qu’il est interdit à un Israëlien de venir dans une ville ou un village palestinien, ce qui accentue d’autant plus l’incompréhension entre les deux peuples.

En 2006, il y a eu 856 morts, en 2007 environ 500. Début mars, l’opération « Hiver chaud » a été déclenchée, nom hautement poétique s’inscrivant dans la continuité de frappes tel que « nuage d’automne » « pluie d’été ». A chaque saison son massacre…En cinq jours Tsahal a fait plus de mort que les roquettes « Qassam » en sept ans : 180 morts et 1200 blessés. Cette opération visait justement à arrêter les tirs de roquettes depuis le frontière où il y avait eu les semaines précédentes, trois morts. Ici je voudrais citer un habitant de Gaza, que j’ai trouvé dans le monde : « Les roquettes, c’est une réponse naturelle, et même lorsqu’il n’y avait pas de Qassams, ils nous tuaient quand même. A Jenine, à Hébron, en Cisjordanie, il n’y a pas de roquettes et ils tuent des Palestiniens. Le monde entier s’en moque. La communauté internationale ne se préoccupe de la situation que lorsqu’il y a des morts israéliens. »

Le problème c’est que ces attaques donnent une légitimité aux sionistes. Selon Finkelkraut : « Israël a perdu la guerre idéologique, elle s’arme donc de l’excuse sécuritaire qu’offre le Hamas pour attaquer. »

III.             Quel avenir possible ?

Cette année c’est le soixantième anniversaire de la Naqba, soit la catastrophe, le moment où à cause de la purification ethnique opérée par Israël lors de sa « guerre d’indépendance »  900 000 Palestniens ont dû fuir en Jordanie. Ce fut le moment de nombreux massacres de civils (et possiblement quoi d’autres ?) tel que celui de Deir Yassine où les habitants ont été aligné le long d’un mur et fusillé. Pour avoir été là.

Alors quel avenir ? La paix est la fin, quel moyen ? Il est clair que la paix ne peut se faire sans partage, puisque ce que possède encore les Palestiniens aujourd’hui n’est pas suffisant pour vivre. Pour que la situation se détende, il faut un partage équitable. Faut-il revenir aux frontières de 1967 ? (c'est-à-dire que les Palestiniens avaient pour capitale Jérusalem est et n’avait pas encore une Cisjordanie au trois quarts colonisée) De 1948 ? (où les Palestiniens avaient en gros droit à un tiers du territoire ce qui était assez égal compte tenu de la population de l’époque). Ou appliquer le plan (jamais appliqué) Peel configuré en1947 ? Même celui là n’était pas acceptable puisque toutes les terres fertiles de la cote revenaient aux israéliens.

Finkelkraut propose un Etat post-national, c'est-à-dire un pays avec deux nationalités. Cela a le mérite d’éviter de se poser la question du partage, en plus, un bout de terre moyen est plus viable économiquement que deux tout petits.

Qu’en est-il de l’avis des israéliens ? Selon le site jewish virtual library 51% de la population a soutenu l’opération mené à Gaza. 66% refuse le retour aux frontières de 1967. 68% refuse de négocier le statu de Jerusalem.

Mais ! Il y a une bonne constante de 29% qui se déclare systématiquement favorable à une négociation, pour le compromis.

Un espoir dans la communauté internationale ? L’ONU condamne très régulièrement Israël pour divers atteintes aux droits de l’Homme : construction du mur, tortures des prisonniers, emprisonnement sans procès, bombes thermobariques utilisées contre des civils libanais, balles en uranium appauvri, balles « dum-dum » qui explosent, armes de sous-munitions particulièrement meurtrières chez les civils. (Source : Human Rights Watch)

Conclusion : Emmanuel Lévinas, en 1982 : « La personne est plus sainte qu’une terre, même quand c’est une terre sainte. Car devant une offense faite à une personne, cette terre sainte apparaît dans sa nudité, de pierre et de bois. »

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6 avril 2008

Topo sur les réformes de l'éducation par Marie

Topo sur les attaques du gouvernement sur l’Education Nationale

Ces attaques sont globales, virulentes, sur tous les niveaux : de la primaire à l’université.

Nous allons évoquer les modifications apportées par les réformes sur l’enseignement primaire, secondaire général et technologique et professionnel.

L'ÉCOLE PRIMAIRE

comment travailler plus, et faire moins d'heures de cours...

L'annonce de la suppression du samedi matin travaillé a soulevé, chez les enseignants du primaire, un certain nombre de ques­tions : Comment va être employé ce temps du samedi matin? Comment rattraper ces heures de cours, perdues pour l'ensem­ble des élèves ?

D'après certains inspecteurs, ce temps sera réparti en concerta­tions, formations et cours de remise à niveau pour les élèves en difficulté (dont les noms seront communiqués aux inspections académiques), et ce, aux horaires choisies par les enseignants. D'autres inspecteurs insistent sur l'impossibilité de réaliser ces heures de soutien le samedi. Une autre réponse leur est parve­nue le 1 février 2008, avec une note de service du ministre aux recteurs demandant aux enseignants de proposer « un nouveau service » aux élèves en difficulté sous la forme de stage de remise à niveau, pouvant avoir lieu pendant les vacances. Il s'agit d'heures supplémentaires, défiscalisées (c'est-à-dire, exemptes de toute cotisation pour la protection sociale et la retraite).

Un « relevé de conclusion commun pour la réutilisation des heures supprimées le samedi matin, pour l'aide aux élèves ren­contrant des difficultés à l'école primaire » est signé quelques jours après par le SE-UNSAet la CFDT. Ce relevé indique la nou­velle répartition horaire : le volume horaire global des enseignants est inchangé. Ce qui est nouveau, ce sont les 60 heures « consa­crées à des actions directes auprès des élèves en difficulté ». Et le temps de présence en classe, devant l'ensemble des élèves ?

Le 19 février, Darcos « résout» la question en décidant de la sup­pression de deux heures de cours hebdomadaire. Il fait « tenir » les contenus d'enseignement dans 24h au lieu de 26h.

En revanche, le temps consacré à « l'éducation civique et moral » n'est nullement précisé, ni limité. Cette matière semble privilégiée par le ministre de l'éducation nationale, qui y verrait bien l'appren­tissage obligatoire de l'hymne national aux élèves, et par le Président de la République, qui avait évoqué l'idée de faire « par­rainer » un enfant juif victime de la Deuxième guerre Mondiale par un enfant de CM2 (projet finalement abandonné)...

L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE GÉNÉRAL

Les enseignants du secondaires : de futurs cadres, flexibles, payés au « mérite »...

La Commission sur la rénovation du métier d'enseignant (présidée par Michel Pochard) légitime son existence par son projet (énergiquement approuvé par Sarkozy) de (re)faire de l'enseignant un « nota­ble », de lui rendre sa respectabilité perdue. Cet objectif est en soi plu­tôt ambiguë. On peut le comprendre comme la nostalgie d'un temps où le professeur formait, avec le médecin et le pharmacie, une petite élite intellectuelle, un groupe de notables respectables, tenant la société, ce qui n'a rien de progressiste...

Mais il est de toutes façons évident que cet pseudo-objectif n'est qu'une couverture (censée amadouer les prof ). Le projet de cette Commission est bien de rénover la condition enseignante : les professeurs vont devenir des sortes de cadres, au temps de tra­vail flexible, dont la rémunération sera en partie calculée en fonc­tion du « mérite ». Cette Commission remet en question le statut de 1950, selon lequel le service hebdomadaire du professeur était défini par sa présence devant les élèves. Cette gestion du temps de travail, jugée archaïque, sera remplacée par un service pensé sur l'année, auquel seront incorporées des missions autres que la transmission des connaissances (déjà prises en charge par les enseignants) : études surveillées, travaux d'orientation... qui seront désormais rémunérées.

Comment le gouvernement compte-t-il financer la rémunération de ces tâches déjà accomplies par les enseignants ? Réponse : par le principe « moins de postes, plus d'Euros ». Sarkozy s'est engagé à réinjecter la moitié des économies réalisées avec la réduction du nombre de postes dans les feuilles de paye de ceux qui veulent faire plus. Les profs aussi vont « travailler plus pour gagner plus »...

...Mais pour gagner plus, il faut aussi être méritant. Pleinement approuvé par la Commission Pochard, Sarkozy déclare : « Les enseignants bénéficieront d'augmentations méritées ». Et l'avan­cement des professeurs (nouvelle innovation !) va maintenant se décider au niveau de l'établissement.

ET LES PROVISEURS :

de nouveau managers...

A quand l'autonomie des lycées?

Actuellement, les professeurs sont évalués à 40% par leur chef d'établissement (qui baissent rarement la note) et à 60% par l'ins­pecteur. De plus, l'ancienneté et le rang au concours sont pris en compte. Le rapport Pochard suggère une rupture : l'avancement serait décidé « dans l'établissement sur la base de quelques cri­tères simples » dont pourraient juger ensemble le chef d'établis­sement et l'inspecteur pédagogique. Ces « critères simples » seront défini « sur la base des progrès et des résultats de leurs élèves ».

Voilà qui est conforme aux exigence de Sarkozy, qui, dans sa let­tre de mission au ministre de l'Education Nationale, précisait : « Vous les évaluerez plus régulièrement, sur la base des progrès et des résultats de leurs élèves ».

LES SUPPRESSIONS DE POSTES

Résultat : des suppressions matières

On prévoit la suppression de 11200 postes d'enseignants à la rentrée 2008,1400 en Ile-de-France.

Cela entraîne la suppression de nombreuses heures de cours, la dispari­tion de matières facultatives et des options (arts plastiques, musique, LV3).

Plusieurs lycées se sont mis en grève pour protester contre ces disparition de matières. L'établissement Emilie de Breteuil (à Montigny), a été bloqué durant une semaine ; Les 7 mares (à Maurepas) s'est mis en grève depuis le jeudi 21 février; Jean Villar (à Plaisir), Dumont d'Urville (à Elancourt) s'est mis en grève le jeudi 21 février; à Villepreux ; à Mansart ; à Mantes-la-ville ; à Magnanville ; à Villaroy...

Une autre conséquence est la disparition des heures de soutien... qui, pour exister, devront se faire en heures facultatives. Et c'est ici qu'intervient le « travailler plus », sous la forme d'heures sup rémunérées. Le budget 2008 prévoit une hausse de 12% du nombre des HSAet de 20% des HSE. Cette multiplication des heures supplémentaires détaxées, en plus de contribuer à la destruction des protections sociales et des retraites, se heurte à une limite physique. « Dans certains établissements, les ensei­gnants sont saturés. Les heures supplémentaires ne trouvent pas pre­neurs » Guy Barbier ( UNSA ).

BEP: SUPPRESSION CONFIRMÉE

A la rentrée de Septembre 2008, le Baccalauréat en 3 ans sera mis en place pour la moitié des formations. En Septembre 2009, ce Bac pro en 3 ans sera étendu à toutes les sections. La disparition totale du BEP est donc prévue pour dans deux ans.

Officiellement, le but de cette suppression est d' « encourager » les jeunes qui seraient tentés de quitter le cycle scolaire après deux ans de formation, et un BEP comme diplôme en poche, à se diriger vers le baccalauréat pro­fessionnel, et d'aligner la filière professionnelle sur le rythme des bac géné­raux et technologiques. Autrement dit, il s'agirait d'augmenter le niveau de formation et de qualification des jeunes.. .malgré eux. Une réforme qui ne tient pas compte des impératifs de certains jeunes, qui doivent, avec ou sans diplôme, se mettre à travailler, pour des questions financières ou de démotivation. Pour les premiers, l'existence du BEP leur permettait de se présenter sur le marché du travail, avec une valeur reconnue, pour les deuxièmes, l'obtention de ce diplôme était un premier signe de reconnais­sance de cette valeur et un encouragement à poursuivre leurs études (il est inutile de rappeler la dépréciation dont les filières professionnelles font l'objet dans l'opinion générale et les conséquences que cela entraîne sur la motivation des élèves. Dépréciation à laquelle Darcos prétend mettre fin par cette réforme, en faisant du bac pro un « bac comme un autre »).

Forcer les jeunes à se présenter au baccalauréat, désormais seul garant d'une quelconque valeur sur le marché du travail, n'est pas une solution. Ceux des jeunes qui doivent impérativement travailler au bout de deux ans seront sans qualification, ceux qui sont victimes d'une démotivation res­sentiront cette contrainte comme telle, et quitteront la formation (toujours sans qualification) ou la poursuivront dans de mauvaises dispositions. Les conséquences réelles de cette réforme seront donc, du point de vue des élèves, non pas une augmentation du niveau de qualification, comme le prétend le ministre de l'éducation nationale, mais au contraire une aug­mentation des sorties d'élèves sans diplômes. Quant à la qualité de la for­mation, la perte de 25 % des cours entraînera la suppression de diffé­rentes filières, c'est à dire une diminution de la diversité de l'enseignement. Voilà qui va redorer le blason aux filières professionnelles ! Reste au gou­vernement à expliquer comment appauvrir le contenu d'une formation, et priver ses élèves de leur libre choix lui re-donne la respectabilité qui lui est due (et au passage, le gouvernement pourrait varier un peu ses pré­textes...l'idée d'habiller ses attaques contre l'enseignement, général ou professionnel, de l'intention mielleuse de rendre sa « respectabilité » à celui-ci se généralise ! ).

Et du point de vue des profs, cette réforme entraînera de nouvelles sup­pressions de postes. Voilà qui rapprochera, en effet, les filières profession­nelles des filières générales, qui seront caractérisées sans distinctions par la baisse des effectifs du personnel enseignant !

29 mars 2008

Résumé cours d'histoire de Mr Minaudier sur le conflit Israelo-palestinien

L'Histoire d'Israël et de la Palestine

I) La naissance du sionisme et les primères colonies

En Europe à la fin du XIXème siècle la situation des Juifs ne faisait que se dégrader. La situation des Juifs s'aggrava en Autriche-Hongrie, où Vienne eut, à la Belle Époque, un maire fanatiquement antisémite, Karl Lüger, et surtout en Russie, où les premiers pogromes (massacres de Juifs par la populace, mais encouragés par le pouvoir) eurent lieu en 1881, en revanche, il n'y avait pas alors d’antisémitisme politique en Allemagne. Les deux vieux Empires multinationaux sur le déclin, dont chacun se voulait le champion du christianisme (catholique pour l'Autriche-Hongrie, orthodoxe pour la Russie), se raidissaient face à toutes les forces de dissolution: les Juifs, population non chrétienne, "allogène", cosmopolite et plutôt progressiste en politique étaient particulièrement détestés : cette détestation prenait le relais des anciens antijudaïsmes religieux, et de la haine du manieur d'argent (Les Juifs étaient pauvres pour la plupart moins certes que la plupart des paysans, mais ils s'étaient spécialisés, parce que beaucoup d'activités leur étaient interdites, dans celles liées à l'argent, parce qu’elles méprisées dans la culture européennes chrétienne traditionnelle. Cela les faisait apparaître fortunés, et âpres au gain. Par ailleurs, à cause de leur niveau d'instruction et des capitaux liquides relativement importants qu'ils possédaient, alors que la richesse des élites traditionnelles était surtout faite de terres, ils occupaient une place disproportionnée dans les bourgeoisies en train d'émerger, péniblement, à Vienne, à Budapest, à Saint-Pétesbourg, à Riga ou à Odessa.) Les nationalismes, qui dans cette région d'Europe étaient en pleine ascension et tentaient d'en finir avec les Empires, n'étaient guère plus philosémites. Ils exprimaient les aspirations des paysanneries et des minces élites urbaines récemment issues de celles-ci: tous milieux qui détestaient les Juifs en tant qu'urbains, que marchands, que concurrents pour les postes administratifs et autres (le niveau d'instruction des Juifs était très élevé), que minorité allogène inassimilable. Les nationalismes de cette région se fondaient sur la langue, or les Juifs parlaient une espèce d'allemand( le Yiddish); sur la religion, c'est-à-dire, selon les cas, le catholicisme, l'orthodoxie ou le protestantisme; sur les souvenirs historiques des grands royaumes médiévaux, or les Juifs n'avaient eu aucune part à cette Histoire politique et militaire; sur l'attachement à la terre natale, aux racines, or les Juifs n'avaient point de territoire propre, on en trouvait un peu partout, et surtout dans les villes "cosmopolites", foyers d'une modernité souvent suspecte; de plus en plus aussi, hélas, sur la notion d'enracinement originel, or les Juifs étaient des migrants (eux-mêmes se rattachaient à la diaspora des Hébreux de l'Antiquité), et sur divers délires racistes, dont la plupart faisaient des Juifs une race à part. Bref, dans leur immense majorité, les nationalistes s’accordaient pour exclure les Juifs des différentes communautés nationales en voie d'émergence.

Du point de vue des juifs, il y avait quatre stratégies possibles pour réagir à ces inquiétantes nouveautés. L’émigration d’abord — dès le XIXe siècle, les Juifs d’Europe centrale commencèrent à se diriger vers les Etats-Unis, pays d’opportunités fondé et dirigé par des protestants attachés à l’Ancien Testament et plutôt philosémites ; et l’Europe occidentale où ils ne faisaient l’objet d’aucune discrimination. L’assimilation, semblait avoir été couronnée de succès dans le cas des anciennes communautés de Grande-Bretagne, de France et (dans une mesure un peu moindre) d’Allemagne…(Dans les deux premiers de ces pays, des juifs ou des convertis récents étaient devenus ministres: Crémieux en France, Disraeli, fils d'un converti à l'anglicanisme, qui fut même premier ministre de Sa Majesté en 1868, puis de 1874 à 1880.)  Jusqu’à ce que l'affaire Dreyfus, de 1894 à 1906, vînt mettre en évidence que même dans la "patrie des droits de l'homme" rien n'était définitivement acquis. La troisième solution était celle qu’offraient les idéologies internationalistes et laïques, au premier chef le marxisme: tenter de dépasser les nations au profit des problématiques de classes; s'engager dans la voie de la construction d'un monde où les particularismes culturels et leur exploitation politique auraient vocation à disparaître. Cette voie de l'internationalisme, de nombreux juifs d'Europe centrale la suivirent: les juifs furent nombreux dans les mouvements socialistes de ces régions, il y eut même, en Russie à partir de 1897, un parti socialiste spécifiquement juif, le Bund, qui s'opposa vigoureusement au sionisme — mais le caractère juif de ce parti était quand même l'indice que dans ce pays il était impossible d'organiser une lutte commune aux prolétariats juif et catholique… Le Bund réclamait une "autonomie culturelle juive", une solution proche de celle qu'envisageaient certains socialistes préoccupés de la question nationale, comme Kautsky en Autriche. Au XXe siècle, les juifs furent nombreux dans le mouvement communiste, en U.R.S.S. et ailleurs; ils furent les premières victimes des purges staliniennes, et que Hitler ne faisait pas la différence entre un juif communiste et un juif sioniste. Ces trois solutions avaient leurs limites et leurs inconvénients— les deux dernières mentionnées impliquaient, entre autres, une laïcisation complète du mode de vie et le refus de la judéité, ou tout au moins son rejet dans la sphère de la vie privée, ce à quoi tout le monde n’était pas prêt ; et puis, qui disait que les États-Unis ne seraient pas un jour touchés par la montée de l’antisémitisme, que l’assimilation en Europe occidentale était irréversible. ? Il y avait une dernière voie : celle de la construction d'un nationalisme juif sur les mêmes bases que les autres nationalismes d'Europe centrale: après tout les Juifs de ces régions vivaient dans le même monde, recevaient en grande partie les mêmes influences intellectuelles — notamment en provenance de l’univers culturel allemand dont ils étaient si proches, et où tout le monde (sauf les socialistes) fonctionnait, depuis la génération romantique, en termes de nations (définies sur une base culturelle). Par ailleurs, dans cette région d’Europe les Juifs étaient unanimement considérés comme un peuple, et un peuple différent : il est assez naturel qu’une partie d’entre eux aient intériorisé cette distinction, d’autant qu’ils ne parlaient pas la même langue que leurs voisins, avaient un autre costume, une autre religion et se mariaient entre eux. Rejetés par les “peuples” parmi lesquels ils vivaient, les juifs n’avaient d’autre issue que de devenir des Juifs, c’est-à-dire d’adopter d’eux-même une définition conforme à l’univers des nationalismes culturels, où ils vivaient. Cette entreprise passait par une redéfinition de la communauté juive et une réinterprétation, voire (sur certains points) une reconstruction de son passé, selon des processus comparables à ceux en oeuvre parmi les autres nationalistes. Le fait, en soit, n’a rien de scandaleux : le passé n’existe que dans notre regard, et ce regard est changeant : il n’y a donc rien de plus changeant que le passé — et puis, comme disait Renan, « l’oubli, et je dirais même l’erreur historique, sont un facteur essentiel de la création d’une nation »— pour des raisons politiques, il peut être nécessaire de construire une conscience collective sur des bases pas entièrement scientifiques et objectives, et les juifs d’Europe centrale, de plus en plus menacés, en avaient de légitimes. En effet, l’adaptation au cas des Juifs de la définition centre-européenne de la nation posait de gros problèmes : les Juifs n'avaient ni un territoire à eux, ni une langue commune hors ceux d'Europe centrale, ni véritablement une Histoire commune: celle des Hébreux s'arrête, au plus tard à la défaite de la dernière révolte de Palestine, celle de Simon Bar Kochba (ou Kokhba), sous l'empereur Hadrien, en 132-135 après J.C., à la suite de laquelle ceux qui refusèrent d'abjurer le judaïsme furent expulsés de Palestine. En particulier, parce que c’est crucial pour la suite, il faut insister sur le fait que les Juifs de l'époque contemporaine ne sont que métaphoriquement les descendants de ceux de l'Antiquité.  D'un point de vue ethnique d'abord: la plupart des descendants des Hébreux, notamment ceux demeurés en Palestine après 135, se sont convertis, volontairement ou par force (au paganisme, au christianisme qui était au départ une variété de judaïsme et a recruté l’essentiel de ses premiers fidèles parmi les juifs, plus tard à l'islam) : leurs descendants se retrouvent aujourd'hui entre autres parmi… les Palestiniens ( Attention quand même: dans cette région de passage, traversée en tous sens par les armées les plus diverses, et objectif de toutes les passions religieuses, la population s'est pas mal renouvelée à travers les âges.) ! En revanche la diaspora, c'est-à-dire la communauté juive hors de Palestine, s'est beaucoup étendue par conversions : le judaïsme n’a cessé d’être une religion prosélyte que lorsque les persécutions ont commencé, en gros à l'époque des croisades. Il suffit d'observer l’apparence physique de la population juive d'Israël, aujourd'hui, pour se convaincre que par le sang elle ne vient pas en majorité du Moyen-Orient. La notion de "peuple juif", de la chute du Temple à l'époque sioniste, était purement religieuse, exactement comme l'Église catholique, aujourd'hui, parle d'un "peuple chrétien" D'un point de vue religieux, il n'est peut-être pas inutile de rappeler que les Hébreux de l'Antiquité ne sont pas les ancêtres spirituels des seuls juifs, mais de tous les monothéistes, chrétiens et musulmans compris: dire que "David était juif" n'a pas de sens (ou, plus exactement, constitue une réinterprétation de l'Histoire): David était un roi hébreu, les Hébreux ont donné au monde le monothéisme, d'abord sous sa forme mosaïque (passablement différente, d'ailleurs, du judaïsme d'après la destruction du Temple); mais son héritage religieux se retrouve aujourd'hui aussi bien dans le message du Christ, qui était son descendant par le sang (les Évangiles y insistent assez), dans celui de Mahomet aussi, que dans celui du judaïsme: les chrétiens et les musulmans tout autant que les juifs sont persuadés d'être les descendants spirituels de Moïse et de David. C’étaient des hommes du peuple de Dieu, c’est-à-dire des monothéistes, tout simplement.) D'un point de vue historique enfin, après 135 les juifs avaient renoncé à reconstruire un royaume en Palestine. Cette renonciation est explicite dans les travaux des rabbins pharisiens de Jamnia, grand centre intellectuel du judaïsme (La "secte" pharisienne n'était pas la seule à l'époque, mais elle est la seule source du judaïsme moderne.) Ce que l'on appelle le "synode de Jamnia" consista en une série de réunions des principaux rabbins, vers 90. Les catastrophes de 70 et de 135 provoquèrent une profonde évolution de la religion juive. La destruction de Jérusalem entraîna la fin du culte traditionnel, un culte de type antique classique avec des sacrifices et une caste de prêtres, mais rendu en un seul lieu, le Temple, puisqu'il n'y avait qu'un seul Dieu; et la victoire définitive de la Synagogue (le mot signifie: "maison d'études"), c'est-à-dire de ces groupes de fidèles qui se réunissaient pour prier et lire les textes sacrés, sans faire de sacrifices, n'importe où et sous la direction de "directeurs de prière" non professionnels au départ, les rabbins, parce qu'il fallait bien qu'il y eût une vie religieuse hors du Temple. Ce fut également à Jamnia que fut défini le canon juif de l'Écriture sainte, et que l'on lança la compilation du Talmud, c'est-à-dire de l'ensemble des écrits de la tradition juive: le judaïsme devint une religion de la prière et du Livre, ce qu'il est demeuré depuis. La victoire de la synagogue fut celle d'une forme de judaïsme non territorialisée, non politique, non ethnique — à cette époque, je l'ai déjà dit, les juifs faisaient de nombreux convertis! Ce fut alors que la notion de "peuple juif" devint purement religieuse, et le demeura jusqu'au sionisme. La fameuse formule "l'an prochain à Jérusalem", omniprésente dans les prières, était, elle aussi, purement métaphorique, même si bien sûr la Palestine n'était pas une région ordinaire pour les juifs. Il y avait toute une douleur de l'exil, qui renouvelait la douleur biblique de la captivité à Babylone (Voyez notamment le psaume n°136: « près des rivières de Babylone, nous nous sommes assis et nous avons pleuré (…). Si je t'oublie Jérusalem, que ma droite m'oublie! ».).

Certains y faisaient des voyages d'étude et de prière (ce genre de voyage s'appelait une aliya, littéralement une “montée”), certains juifs âgés allaient mourir en Terre sainte; mais il n'était pas question d'y faire souche, cela n'aurait eu aucun sens spirituel. Dans cette région la communauté juive n'était pas spécialement importante en nombre, et depuis longtemps on n'y trouvait plus de grands centres d'études religieuses. Ce genre de problèmes n'arrêtaient pas les nationalistes du XIXe siècle. L’expression "peuple juif" commençait à prendre un sens non plus religieux, comme c'était l'usage depuis toujours, mais nationaliste, comme les Polonais parlaient d'un "peuple polonais". Certains commençaient à s’imaginer que le "peuple juif" descend physiquement du "peuple élu" de l'Antiquité: cette assimilation d'une communauté religieuse à une communauté historique et, dans une certaine mesure, biologique, répondait en miroir à l’ethnicisation des communautés linguistiques d'Europe centrale, en cours à l'époque. Ce fut également à cette époque que certains commencèrent à discuter de la nécessité d’un territoire où les Juifs pourraient se concentrer pour n’être plus en minorité. L’entreprise étant manifestement impossible en Europe centrale, où les Juifs étaient en position de faiblesse croissante, certains pensèrent à l’Ouganda ; ce fut dans les années 1860 que l'on commença à évoquer la prespective d'une aliya définitive, c’est-à-dire d'un “retour” des Juifs sur Eretz Israël (la terre d'Israël, le plus prestigieux des royaumes hébreux de l'Antiquité), sur la terre de Sion (Sion est une colline de Jérusalem, sur laquelle fut construite la première synagogue. Dans l'Apocalypse de Jean, c'est là qu'apparaît l'Agneau; dans certaines traditions sémitiques, c'est là que Dieu créa Adam — bref, le nombril du monde. Métaphoriquement, Sion désigne Jérusalem et la Terre promise.). Le mot "sionisme" date de 1890). C'était au départ dans une perspective religieuse (hâter le retour du Messie en rassemblant le peuple élu); mais l'entreprise se politisa à partir du moment où les perspectives commencèrent à s’assombrir en Europe. Il s'agissait aussi, en rompant avec le passé centre-européen, de séculariser la vie de la communauté juive, sortir des archaïsmes évidents de la vie de ghetto et de shtetl. Ce n'était pas si contradictoire que cela: la religion n'était pas le seul marqueur identitaire des Juifs, il y avait aussi notamment la langue: donc un nationalisme juif laïc était possible (Un nationalisme peut très bien faire référence à une religion en tant que l'un des éléments constituants de l'identité nationale, et être par ailleurs laïc, c'est-à-dire souhaiter que ladite religion reste du domaine privé. C'est le cas par exemple en Pologne ou en Irlande, même si bien sûr dans ces pays le clergé contribue à la définition des valeurs sur lesquelles se fait le consensus politique: mais il ne fait qu'y contribuer, justement.)  — et même souhaitable pour les Juifs rationalistes, voire incroyants : dont le nombre croissait en cette fin du XIXe siècle (Cela explique que ces projets avaient une forte coloration socialiste, commune à toutes les avant-gardes de l'époque; rappelons qu’il existait alors toutes sortes de socialismes, et que certains n'étaient pas du tout) .

Alors vint Theodor Herzl (1860-1904), un Viennois très assimilé à la culture allemande qui avait vécu à Paris, comme journaliste en 1891-1895, à l'époque des débuts de l'affaire Dreyfus. En 1896, sous le choc de ce qu'il avait vu en France, il fit paraître l'ouvrage qui est à l'origine du sionisme moderne, L'État juif, et l'année suivante organisa le premier congrès sioniste, à Bâle, lequel déboucha sur la fondation d'une Organisation sioniste mondiale. Herzl affirmait que la seule solution "moderne" à la question juive était la constitution d'un "foyer" juif, lequel avait vocation à devenir un État, puisque, selon les nationalistes de l'époque, une nation sans État souverain était condamnée à subir l'oppression. Pour ce faire, il fallait constituer une Agence juive qui réunirait des fonds dans tout le monde juif et mènerait le projet sioniste. Le foyer national juif serait naturellement situé en Palestine, terre des anciens royaumes hébreux, et, selon une formule célèbre de Herzl, « terre sans hommes pour des hommes sans terres ». Cette formule, aujourd’hui surréaliste, révèle l’aporie originelle du sionisme. Les sionistes se comportaient exactement comme s'il n'y avait pas de population indigène en Palestine (N.B.  Les projets ougandais posaient des problèmes du même ordre !) Or la région était certes peu peuplée, environ six cent mille personnes au total vers 1910 y compris l'ouest de l'actuelle Jordanie; seule une "natalité de combat", à l'époque israélienne, à permis aux Palestiniens de devenir plusieurs millions; mais elle n’était pas vide ! Mais les sionistes étaient des Européens de leur temps comme les autres, tout aussi colonialistes. En tant qu'Européens, représentants de la partie la plus "avancée" de l'humanité, ils avaient le mépris le plus complet pour les "sauvages" de cette région pauvre et en retard, musulmans pour plus d'abjection, promis à l'assimilation ou à la disparition comme les Indiens d'Amérique. Et puis les sionistes étaient persuadés d’avoir un "droit historique" sur la terre qui avait été celle d'Israël, tenue désormais pour celle de leurs "ancêtres", donc leur "propriété", et tant pis pour les "squatters" arabes. Les colonialistes considéraient qu'il était légitime que les plus "civilisés" s'emparassent des terres laissées en deshérence par leurs propriétaires, pour les « mettre en valeur » (On peut argumenter, à la limite, que les sionistes n'étaient pas à proprement parler des impérialistes, puisqu'ils ne prétendaient devenir rien d'autre que de loyaux sujets du Calife, lequel dirigeait un Empire multinational, et mettre en valeur ses terres de Palestine. L'argument me semble quand même d'assez mauvaise foi: les colons sionistes ont, dès le début, rêvé d'indépendance, ou au moins d'être rattachés à un Empire colonial européen. C'était l'ère du grand dépeçage de l '"homme malade", l'empire ottoman…) Ces problèmes sont ceux que posent tous les nationalismes centreeuropéens du XIXe siècle, lorsqu’ils deviennent excluants : comme il y a toujours plusieurs manières de se réclamer du passé, de l'origine, de définir une nation ou une race, plusieurs communautés autoproclamées risquaient de se disputer les mêmes souvenirs, les mêmes populations, les mêmes territoires — c’est très exactement ce qui arrive aujourd’hui en Terre sainte. Les sionistes étaient de bonne foi ; on peut leur trouver plus d’excuse qu’aux autres Européens dans la mesure où ils agissaient pour le bien d'une population particulièrement maltraitée, et dans des circonstances si défavorables que beaucoup considéraient qu’il n’y avait pas d'autre voie — mais celle-ci n'en était pas moins extrêmement dangereuse pour l'avenir. Le sionisme naissant constituait un redoutable cocktail des deux passions politiques d'alors qui ont eu le plus facilement tendance à dégénérer, même si elles n’ont pas toujours dégénéré: le nationalisme et le colonialisme. Très tôt, les Juifs socialistes et/ou assimilés mesurèrent et dénoncèrent les dangers de ces amalgames, et soulignèrent la parenté inquiétante qu'il y avait entre le sionisme, entreprise pour eux de "retribalisation" du judaïsme, et les autres doctrines nationalistes en vogue dans cette partie du monde, y compris les plus antisémites. Pour ne pas me faire taxer moi-même d'antisémitisme, je cède ici la parole à Victor Klemperer, qui passa toute la période nazie en Allemagne, athée et de culture allemande, se sentait profondément allemand, autant que Heine, Marx, Mendelssohn et Mahler; il refusait que les nazis le traitassent en "Juif", il considérait que c'était en lui et chez les autres persécutés du régime que s'était réfugiée l'âme allemande, face à la folie qui s'était emparée des autres Allemands : « la chose la plus lamentable de toutes, c'est que je sois obligé de m'occuper constamment de cette folie qu'est la différence de race entre Aryens et Sémites, que je sois toujours obligé de considérer tout cet épouvantable obscurcissement et asservissement de l'Allemagne du point de vue de ce qui est juif » (Bien sûr, que je le prenne en exemple de juif, que je le traite en juif, que je le traite de juif, est pour lui, post mortem, une autre défaite. Quel droit a-t-on à considérer comme "juif" une personne qui ne se tient pas pour telle, sur la seule base de la religion de ses ancêtres? C'est reproduire le regard essentialiste des nationalistes, ce regard qu'il refusait. Mais le nazisme et le sionisme ont tout faussé: le témoignage de Klemperer, aujourd'hui, ne peut plus être reçu comme celui d'"un Allemand", sans restriction, sans arrière-pensée. Aujourd’hui, un Allemand de religion juive n’est plus un Allemand ordinaire… C'est bien en tant que témoignage d'un juif que son Journal a fini par être publié, en 2000, c'est bien ainsi que tout le monde l'a lu, alors que, par exemple, le fait qu'il était communiste n'a intéressé personne. L'Histoire crée ses objets, y compris et surtout dans le passé, y compris contre leur volonté — les morts protestent rarement. De Klemperer, qui se voulait un Allemand athée, l'Histoire a fait un Juif à titre posthume.)

À plusieurs reprises dans son journal, il critique vivement les sionistes qu’il accuse d’avoir, au fond, la même vision du monde que les nationalistes allemands, une vision fondée sur la notion de "nation", de "peuple", une vision fondamentalement excluante. Pour lui, les sionistes de son temps avaient grandi « dans la même atmosphère de romantisme perverti » que les nazis… (L.T.I., p. 117 dans l'édition de poche) (Par “romantisme”, Klemperer entend avant tout une sensibilité, une certaine exaltation, un goût du folklore historique, etc. : ce n’est pas exactement le sens où j’emploie ce mot plus haut dans ce texte. Il me semble cependant que l’on peut étendre l’intuition de Klemperer à la parenté d’une vision du monde fondée sur ce que j’appelle la définition centre-européenne de la nation : ce sont les romantiques allemands qui l’ont formulée, et elle est effectivement inextricablement mêlée à une atmosphère de festival de chant choral en costumes néo-médiévaux, de promenades entre jeunes gens dans les montagnes, de rêves devant les châteaux médiévaux, etc., dont Klemperer ressentait manifestement la culture sioniste comme un décalque.). Une autre conséquence, moins grosse de drames futurs, du projet sioniste fut la renaissance de l'hébreu comme langue de communication quotidienne. Une nation, pour un centre-européen, c'est encore plus une langue qu’une terre. Herzl n'avait pas trop insisté sur cet aspect des choses, il pensait plutôt au yiddish (où plutôt à l'allemand, variante prestigieuse de ce "dialecte"); mais ce fut le grand projet d'un autre sioniste, Eliezer Perelman, plus connu sous le nom hébreu de Ben Yehouda (1858-1918), né à Vilnius (aujourd'hui en Lituanie), véritable Babel où l'on parlait yiddish, allemand, lituanien, polonais et russe. Le yiddish n'avait guère de prestige, et ce n'était la langue que d'une partie des Juifs: l'hébreu, langue de culte commune, langue de la Bible, langue des royaumes d'Israël et de Juda, en avait infiniment plus. Il s'agissait “seulement” de la moderniser, de la doter notamment d'un vocabulaire apte à exprimer les réalités du monde contemporain (les intellectuels nationalistes d'Europe centrale l'avaient déjà fait pour de nombreuses langues paysannes à l'origine); la volonté collective ferait le reste. Le projet pouvait quand même apparaître assez utopique…Ce fut en 1880 que Ben Yehouda l’exposa pour la première fois, en l’inscrivant explicitement à l'intérieur du projet de sauver une "nation" juive distincte de la "religion" israélite qui, pour lui, survivrait de toute façon (« l'hébreu ne peut être que si nous faisons revivre la nation et la ramenons au pays de ses ancêtres »). L'année suivante, dans les tout premiers, il émigra en Palestine, et il commença à ne parler qu'hébreu à ses enfants, qui furent ainsi les premiers hébréophones de langue maternelle depuis au moins mille cinq cent ans. En 1900, il n'y avait pourtant que dix familles hébréophones… Dans le même temps, tout un travail d'adaptation de la langue avait lieu: Ben Yehouda lui-même publia un volumineux dictionnaire; en 1904, il créa un Comité de la Langue (devenu l'Académie de la Langue hébraïque en 1953), qui s'adonna à un travail systématique de néologie (création de mots nouveaux: À partir surtout de l'hébreu biblique, de calques de l'arabe, langue très proche de l'hébreu, et de l'allemand, langue de culture de la plupart des Juifs d'Autriche-Hongrie et de plus instruits de ceux de Pologne. ). Puis ces innovations étaient reprises dans les journaux, les manuels scolaires… il y eut évidemment des difficultés, des conflits, des inventions malheureuses qui furent abandonnées; mais la foi sioniste finit par soulever les montagnes: en 1918, l'hébreu fut proclamé langue officielle en Palestine au même titre que l'arabe et l'anglais, et dans les décennies suivantes il finit de s'imposer. C'est aujourd'hui une langue vivante comme une autre, dont

l'évolution a largement échappé aux académiciens. Les aliyas en Terre sainte (une zone alors fort mal délimitée) commencèrent dans les années 1880, à toute petite échelle au départ: en 1901, trente mille Juifs avaient fait leur aliya et dix mille environ étaient restés, une proportion normale pour toute émigration. En 1914 il n'y avait encore que cinquante mille colons sionistes en Palestine, dont douze mille à la campagne (essentiellement dans la plaine côtière autour de Jaffa); mais le mouvement s'accéléra après 1904, époque où l'horizon des Juifs de Russie s'assombrit décisivement (c'est ce que l'on appelle souvent la "deuxième aliya": elle concerna trente à quarante mille personnes). À partir de 1909, un Fonds national juif, commença à acheter systématiquement des terres à leurs propriétaires, pour les mettre à la disposition des colons. Les vendeurs étaient essentiellement de grands propriétaires absentéistes, qui depuis des siècles les laissaient exploiter par les paysans locaux, contre redevance. Du jour au lendemain ceux-ci, sans avoir eu voix au chapitre ni avoir touché un sou, se retrouvèrent expulsés! On comprend que dès le début leurs réactions aient été négatives; mais encore une fois, ces phénomènes n'étaient pas très différents de ce qui se passait alors en Tunisie, en Indochine, de ce qui s'était passé en Algérie, dans le Caucase ou, durant des siècles, sur le continent américain. Si nous entendons, et vigoureuse, la voix des Arabes de Palestine, c'est parce qu'ils étaient assez nombreux au départ, parce qu'ils ont conservé une certaine puissance politique, et parce que les autres Arabes ont relayé leur protestation; c'est aussi, bien sûr, parce que les sionistes ne les ont pas exterminés. Si nous n'entendons pas celle des Cheyennes, celle des Hopis ni celle des Tcherkesses, c'est qu'ils ont à peu près disparu…

Le premier sionisme était très laïc: la religion n'était qu'un trait privé, certes collectif, de la vie des colons; les institutions du mouvement sioniste et celles, à l'état d'ébauches, des colons de Palestine n'avaient rien de religieux — les sionistes étaient des hommes modernes, des “éclairés”, des positivistes. Le sionisme naissant était aussi très marqué par les idéaux socialistes, en plein essor à cette génération: les colons des campagnes s'organisèrent en communautés, les kibboutzim (pluriel hébreu de kibboutz), qui rappellent par certains côtés les phalanstères du XIXe siècle (le travail s'y faisait en communauté et les bénéfices étaient équitablement répartis), et aussi un peu plus tard en mochavim (villages communautaires). Ces kibboutzim et mochavim essayaient de recourir le moins possible à la main-d'oeuvre indigène, tant par méfiance et par mépris que pour donner du travail à tous les Juifs, même arrivés pauvres, pour qu'il se créât une société juive complète, donc autonome (en Europe centrale les Juifs n'occupaient pas toutes les niches de la société, ç'avait été l'une des clefs de leur faiblesse), et enfin pour ne pas devenir collectivement une nouvelle classe dirigeante ( Certains sympathisants de ce versant socialisant du sionisme parlent de pudeur, de respect des prolétaires.). En réalité, les indigènes expulsés de  leurs terres devinrent rapidement le prolétariat des colons — d’où des conflits qu’on peut qualifier au choix de sociaux, de coloniaux ou d’ethniques, et qui expliquent que dès avant 1914, les sionistes avaient créé des milices d'autodéfense (La "nouvelle société" d'Altneuland n'aurait pas admis d'immigrants non juifs, mais elle aurait bénéficié de la bienveillance des Arabes, qui auraient compris le caractère bénéfique de l'immigration juive en termes de progrès, d'opportunités de travail et de prospérité — le même argumentaire servait à l'époque pour toutes les entreprises coloniales. Herzl fait dire à un personnage arabe: « les Juifs nous ont enrichis, pourquoi devrions nous être contre eux? ». Ailleurs, il écrit que la "restauration des Juifs" annoncerait, dans le futur, "celle des Noirs": idéalisme colonialiste! Effectivement le désert commença à fleurir; mais pour qui?). En attendant, ce "socialisme juif" servait la propagande sioniste dans les milieux progressistes, juifs ou non, en Europe. Ce n'était évidemment pas son objectif premier; mais le sionisme apparaissait comme, et de loin, le plus progressiste des nationalismes. Cette image du sionisme ne tenait pas compte du sort des Arabes : on était en un temps où même Jaurès ne se préoccupait guère de celui des indigènes d’Algérie… Il apparut des partis politiques, des syndicats. Aucun n'était ouvert aux Arabes; mais qui, à l'époque, reprochait aux partis américains de ne pas s'ouvrir aux Indiens? Les indigènes algériens n'avaient même pas le droit de vote! Et puis les Arabes de Palestine étaient censés avoir, outre des "garanties" sur place, leurs propres représentants: les autorités ottomanes... Certains Juifs critiquaient d'ailleurs le sionisme pour ce côté socialiste, plus précisément pour le fait qu'il n'y avait rien là dedans de spécifiquement juif: il y avait effectivement une grosse contradiction entre le caractère laïque du sionisme, et le fait que la communauté juive se définit essentiellement par son appartenance religieuse! La Sublime Porte (empire ottoman) se montra assez hostile à une entreprise qui lui apparaissait comme l'ébauche d'une colonisation européenne de la Palestine; mais elle ne put rien faire : elle avait d’autres chats à fouetter, car les Balkans, à un jet de pierre d’Istanbul, étaient en train de lui échapper. L'Allemagne soutint les projets sionistes dans le but d'accroître son influence dans l'Empire ottoman (les Juifs d'Europe centrale n'étaient-ils pas une espèce de germanophones?), la Grande-Bretagne aussi pour des raisons semblables — la Palestine est proche de Suez, mieux valait contrôler ce qui s'y passait, en particulier dans le cas de figure d'une guerre contre Istanbul. Dans le monde juif, le sionisme gagnait peu à peu en légitimité à mesure qu'il devenait une réalité; il était difficile de ne pas se sentir solidaires d'un tel effort, et d'une telle réussite: pour la première fois depuis deux mille ans des Juifs relevaient la tête, une vie loin des persécutions et des humiliations semblait possible.

Durant la premier Guerre mondiale, les membres de l'entente redoublait d’effort et de promesse pou maintenir le pus d'oposition possible contre  lempire ottoman (dans la triplice) au sein de 'empire. D'où les promesses aux arméniens, aux Hachémites d'Arabie et surtout, la Declaration Balfour (du nom du ministre des affaires étrangères anglais) en novembre 1917 qui annonce que "le gouvernement de sa majesté envisageait favorablement l'établissement d'un foyer national juif en Palestine". Avec la défaite de la Triplice (Empire Ottoman donc, avec l'Allemagne, l'Empire d'Autriche-Hongrie...) L'Empire Ottoman fut démantelé, ne restait que la Turquie de Mustapha Kmal, on lui retira donc les provinces arabes. La Palestine passa sous mandat britannique: conçu comme une tutelle provisoire-pour-un-temps-indéfini, pour des populations considérées comme "mineur", dont le but était d'amener à l'indépendance en douceur. La population arabe de cette région de sentait surtout syrienne à cette époque (attention pas jordanienne! C'est important pour comprendre la suite.) mais la Syrie revenait à la France: c'est cette première coupure des mandats qui est au fondement de la nationalité palestinienne distinct. Les débuts du mandat  britannique confirmèrent les pires craintes des Arabes, déjà très inquiès de la Déclaration Balfour. Chez les sionistes, il apparût un courant dit "révisonniste" qui trouvait que la Déclaration était insuffisante et refusait  qu'on empute la terre sainte de Jordanie, le Liban, la Syrie et un bout d'Irak, les plus extrêmistes voulaient même des régions allant jusqu'en Afghanistan recouvrant l'Egypte et le allant au Maroc (ce groupe existe encore et le Betar en France s'emploie à poser des autocollants un peu partout à paris de la carte du Eretz Israël soit la Grande israël). Il exigeait la constitution d'une armée juive. Des troubles éclatèrent à Paques en 1920, d'autres très graves à Jaffa en 1921. Il y eut des attaques de colonies juives, des pillages et des meutres qui continuèrent durant toute la prériode sous mandat britannique.

Le leadership de la résistance arabe était alors disputé entre deux grandes  familles: les Husseini et les Nachachibi (ceux là plus favorable au mandat et aux Hachémites). La Jordanie revient au descendant du Calife de l'empire Ottoman: Abdallah (ce qui signifie serviteur de Dieu), ce pays est encore aujourd'hui une monarchie. La perte de la Jordanie comme territoire colonisable par les sionistes invalidait la formule "Une terre sans peuple pour un peuples sans terres" puisque la Jordanie était un désert, alors que la Palestine avait la 2ème densité de population après le Liban.

II) La montée du problème de la Palestine (1921-1944).

Des logiques de violence et d'affrontement s'imposèrent immédiatement, et définitivement. Il était logique que les Arabes de Palestine réagissent violemment à une entreprise de colonisation qui se traduisait par le vol de leurs terres et leur marginalisation dans leur propre pays; et prévisible, quoique catastrophique, que cette résistance s'accompagnât d'une vague d'antisémitisme sans précédent, et particulièrement ignoble, dans les pays et mandats arabes de la région. Il était bien de cette époque, la plus noire de l'Histoire du monde contemporain, que les sionistes n'aient jamais essayé de s'entendre avec les indigènes, de se faire aimer d'eux, mais uniquement de les contrôler par la force : ce somportement était celui de tous les Européens hors d’Europe. Il faut dire que tous les juifs ressentaient une angoisse redoublée de la situation en Europe. Dans les années 1920 l'Allemagne fut balayée par une vague d'hystérie antisémite d'une violence sans précédent, dont le principal porte-parole arriva au pouvoir en janvier 1933 — on ne mesurait pas la portée des projets de Hitler, et ce qu'il fit à partir de janvier 1942 était littéralement impensable auparavant; mais ce qu'il fit dans les années 1930 était largement suffisant pour affoler les juifs. En Europe centrale fleurissaient des dictatures antisémites, certaines plus encore en apparence que les nazis; même celles qui ne l'étaient pas au départ, comme celle de Mussolini en Italie, finirent par le devenir. En France, une extrême-droite raciste semblait proche de renverser la vieille République épuisée; en Belgique et aux Pays-Bas, les choses n'allaient guère mieux; même en Grande-Bretagne et en Scandinavie, on entendait de plus en plus la voix des antisémites. En U.R.S.S., les juifs qui avaient cru dans le communisme, et avaient joué un rôle majeur dans la révolution bolchevique, commençaient à être marginalisés, voire persécutés, par Staline (pas pour l’instant en tant que juifs, mais souvent en tant que trotskystes). Bref, en Europe la catastrophe était à peu près générale; ceux des juifs qui n'envisageaient pas d'ém igrer sur le continent américain, non touché par ces dérives, n'avaient plus d'autre espoir qu'en le sionisme. Mais, pour les Arabes, cet espoir signifiait un désastre. Le sionisme s'institutionalisa, grâce à l'appui des Britanniques. En 1921, l'Organisaton sioniste mondiale devint l'Agence juive, dont le directeur, à partir de 1935, fut David Ben Gourion, et qui, dans les années 1930, évolua en un quasi-gouvernement. Ben Gourion fut également le dirigeant du syndicat sioniste, le Hisdrahout, de 1929 à 1935. Les socialistes dominaient toujours la scène politique avec le Mapaï ou Parti travailliste, le parti de Ben Gourion; mais les kibboutzim étaient de plus en plus minoritaires. Les sionistes élurent un Parlement et un Comité national, qui les représentaient auprès des Britanniques; déjà, la vie politique sioniste était impeccablement démocratique, à ceci près qu'elle excluait complètement les indigènes (comme en Algérie ou en Afrique du sud). Les sionistes avaient aussi leur milice, la Haganah. L'immigration juive en Palestine s'accéléra: en 1938, il y avait quatre cent dix mille colons, soit 29% de la population d’une région désormais amputée de la Transjordanie (le chiffre n’est donc pas exactement comparable à ceux d’avant 1920). Certains déjà avaient fait souche sur place: un Juif né en Terre sainte s'appelle un sabra. De nouveaux affrontements graves eurent lieu en 1928-1929 autour du mur des Lamentations à Jérusalem. Ce mur est tout ce qui reste du second Temple (il s'agit en fait de l'une de ses fondations); après 135, c'était le seul lieu en Palestine où les Juifs avaient conservé le droit de prier, et de ce fait, même si le judaïsme avait renoncé au Temple, c'était un lieu saint entre tous, un lieu où s'exprimait la continuité spirituelle entre le judaïsme moderne et le monde de l'Ancien Testament. Pour les sionistes, c'était l'un des lieux sacrés d'Eretz Israël, l'une des preuves de leur bon

droit à s'emparer de cette terre. Le problème, c'était que sur la colline que borde le mur, le mont du Temple pour les Juifs, l'esplanade des Mosquées pour les musulmans, ces derniers avaient construit au Moyen Âge deux mosquées, al-Aksa et le Dôme du Rocher; l'une, je ne sais laquelle, commémore l'ascension mystique de Mahomet, qui est censée en être partie: c'est l'un des lieux les plus saints de l'islam. À cette époque l'ensemble, y compris le mur, constituait un waqf, c'est-à-dire une fondation pieuse musulmane inaliénable, gérée par une association de croyants. ‘Les Juifs pouvaient y accéder sous certaines conditions (ils n’avaient pas le droit d'y amener d’autres meubles que pliants, ils n'avaient droit qu'à quelques lampes...) qu’ils ne respectèrent pas: la tension se focalisa sur un paravent de séparation entre hommes et femmes qu'ils avaient apporté, ce qui entraîna rixes, bagarres, manifestations, descentes de police... Chaude ambiance, d’autant que l’intervention de la police eut lieu le jour de la fête juive de Roschachana, et que les Arabes réaffirmèrent leur propriété sur le Mur en le surélevant de cinq rangs de pierres (normalement on ne touchait pas au monument d’origine, mais cette partie avait été élevée par les Arabes au Moyen Âge, donc ils considéraient pouvoir le faire). Je sais, on a l'impression d'une dispute de square pour une pelle et un râteau, mais ce fut une dispute qui fit des morts, et elle n'était que l’indice d'une tension extrême, et d'une impasse complète. Après ces rixes, le gouvernement britannique fit publier un Livre blanc (le deuxième, il y en avait eu un premier en 1922), qui marquait une évolution de la position de Londres dans un sens plus favorable aux Arabes: la levée de boucliers fut telle parmi les sionistes, à a Chambre des Communes et aux États-Unis, que le premier ministre, le travailliste McDonald, très embêté, écrivit une longue lettre au président de l’Agence juive, où il donnait une interprétation du Livre blanc telle que celui-ci se trouvait vidé de son sens, et que la situation précédente se trouvait reconduite. De plus en plus les Arabes, qui déjà trouvait le Livre blanc insuffisant, refusaient toute collaboration avec les Britanniques pour protester contre la situation qui leur était faite dans leur propre pays; ils cherchaient à s'unir malgré les exécrations réciproques de leurs chefs. D'avril à octobre 1936, une interminable grève générale des Arabes paralysa toute la Palestine, ‘tandis que des bandes de plus en plus organisées s’en prenaient aux colonies juives, bien sûr, mais aussi aux troupes et aux fonctionnaires britanniques. Une vague d’attentats déferla sur la Palestine, de fusillades, de coups de mains. Ce à quoi les Anglais répondirent par de arrestations, des pendaisons, l’utilisation de boucliers humains, le mitraillage des insurgés par avion…(Ce fut alors qu'apparut la notion de fedayin ("hommes du sacrifice"). Sur un plan plus anecdotique, c’est à cette grande révolte palestinienne que remonte l’identification du keffieh comme symbole de la lutte nationale palestinienne: c'était la coiffure des paysans (les urbains portaient le tarbouche, ou fez) et la révolte fut essentiellement celle des paysans chassés de leur terres, Il s’imposa d’autant mieux que les urbains l’adoptèrent de façon à ce que les insurgés qui se glissaient dans les villes passassent inaperçus dans la foule.) Bref, on se serait cru en

Irlande quelques années plus tôt, si ce n'était pire (‘Sur l’ambiance de ces années, voyez la première version, non édulcorée, de “ Tintin au pays de l’or noir ”) . Les insurgés firent appel aux pays arabes indépendants, ce qui permit en fin de compte de négocier la fin de la grève, mais pas vraiment de mettre fin aux troubles. Ce fut à cette époque (en 1931) qu’apparut l'Irgoun, organe secret d’autodéfense des Juifs révisionnistes, plus radical que la Haganah. Ce furent ces groupes d’autodéfense (terroristes à l'occasion) qui formèrent après-guerre le noyau de l'armée israélienne, ce qui contribua à lui donner son esprit: fondement nationaliste, point trop crispé sur la discipline, mais particulièrement âpre face à la moindre menace. La plupart des politiciens d’après-guerre ont fait partie à un moment ou à un autre de l’une de ces organisations: Simon Peres, Itzhak Shamir, Itzhak Rabin, et  bien sûr Moshe Dayan, qui s’engagea dans l’armée britannique pendant la guerre mondiale. Il y eut un moment d’accalmie relative l’année suivante, durant lequel les Britanniques envoyèrent des commissions d’enquête afin de déterminer l’origine des troubles. Le statu quo étant impossible, deux solutions se présentaient: soit un grand royaume de Palestine et de Transjordanie sous le sceptre d’Abdallah (qui en rêvait depuis 1920), où les droits des Juifs seraient assurés: mais cela, personne n’en voulait sur place, ni les Juifs bien sûr, ni les Arabes qui ne voulaient pas être soumis aux bédouins d’outre-Jourdain. L’autre solution était celle du partage entre les deux communautés. Il y eut un plan en ce sens, le plan Peel. Il rappelle celui de 1947, en plus favorable aux Arabes: le nordouest de la Palestine était dévolu aux Juifs, la région de Jérusalem avec un corridor jusqu’à la mer constituait un mandat anglais résiduel séparant les deux États; le reste du territoire constituait l’État arabe. Les Juifs acceptèrent en traînant les pieds, partagés entre ceux qui voyaient enfin se réaliser leur rêve d’un État (plus petit que prévu, mais ce n’était qu’un début dans leur esprit), et ceux qui refusaient de se voir fermer le reste de la Palestine. Quant aux Arabes, considérant que toute la Palestine était leur pays et qu’il n’était pas question d’en céder une partie, ils refusèrent catégoriquement, sauf les Nachachibi, alliés d’Abdallah et les plus proches des Britanniques, qui acceptèrent à contrecoeur (‘Et pour cause, l’essentiel de la clientèle politique des Nachachibi se trouvait dans le territoire dévolu aux Juifs.) . De fait, ce partage était inégalitaire: il laissait les régions les plus riches aux Juifs (qui les avaient enrichies, certes, et qui devaient payer une indemnité annuelle à l’État arabe) et il ne pouvait se faire qu’au prix de déplacements de population, nécessairement défavorables aux Arabes, bien plus touchés par une telle mesure que leurs adversaires. En conséquence les troubles reprirent. En 1938, les insurgés parvinrent même à se rendre maîtres des villes un bref moment. Contre eux combattaient les Britanniques, les commandos des organes d’autodéfense juifs, et jusqu’à des Arabes pro-Britanniques, clients des Nachachibi: guerre intercommunautaire et guerre civile. Cette révolte est extrêmement importante en ce qu’elle constitue le premier grand moment du nationalisme palestinien, d’où découle, à travers de multiples avatars celui que nous connaissons actuellement: n’oubliez pas que Yasser Arafat, né en 1930, était petit garçon à l’époque, et que tout cela l’a profondément marqué(Arafat, de son vrai nom Mohammed Arafat al-Qudwa al-Husseini, appartient à la famille des Husseini, celle du grand mufti de Jérusalem.).

Le chef de la révolte fut le grand mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini, qui, lorsque les Britanniques reprirent l’offensive, parvint à se réfugier sur l’esplanade des Mosquées, puis de là à passer au Liban, où il fut placé en résidence surveillée par les Français. Durant toute cette époque, puis pendant et après la guerre mondiale, il fut le chef de file des Palestiniens dans leur combat pour leur terre. L’approche de la guerre conduisit les Britanniques à réviser leur politique en Palestine, pour y obtenir un minimum de calme. Ce fut le troisième Livre blanc, celui de 1939, radicalement différent des deux premiers en ce qu’il était favorable aux Arabes, nettement cette fois-ci: les ventes de terres aux colons sionistes étaient interdites (à cette époque, les colons s'étaient déjà approprié un tiers des terres cultivées); l’immigration juive était limitée à soixante-quinze mille personnes par an pour les cinq années suivantes, puis devait s’arrêter; dans les dix ans, la Palestine arabe devait obtenir l’indépendance, avec des garanties pour les colons sionistes. Les Juifs ne pouvaient rien dire, n’ayant personne vers qui se tourner, forcés qu'ils étaient de lier leur destin à l’Angleterre; les Arabes, qui trouvaient ces propositions insuffisantes, se les virent en fait imposer. De toute façon, la guerre fit que toutes ces questions passèrent sous le boisseau. Mais elles ne furent pas oubliées. Lorsque la guerre mondiale éclata, l'ensemble du Proche-Orient rivalisa de protestations de fidélité à la cause alliée… sauf certains milieux nationalistes syriens et irakiens, très pro-allemands, en partie par antisémitisme, en partie par opposition aux colonisateurs français et britannique. Hadj Amin parvint à s'enfuir en Irak, mais en 1941 les Britanniques y  ntervinrent, renversant les nationalistes pro-nazis (voyez plus bas). Hadj Amin parvint à gagner Berlin et à rencontrer Hitler, et l’assura de la sympathie des Arabes pour la cause allemande, sans réussir à éveiller grand intérêt chez son interlocuteur, très occupé à envahir la Russie. Il joua tristement les potiches à Berlin jusqu’à la fin de la guerre. Pour le reste, la Palestine demeura fermement tenue par les Britanniques. En mai 1942, les principales organisations sionistes, réunies à l'hôtel Biltmore à Londres, demandèrent une reprise de l'immigration et la reconnaissance de principe d'un État juif. Les Britanniques ne leur étaient plus si hostiles, à cause de l'attitude des patriotes arabes et aussi parce qu'ils avaient besoin de la Haganah pour maintenir l'ordre sur place, leurs troupes ayant fort à faire ailleurs. Mais ils maintinrent les dispositions du Livre blanc. La deuxième guerre mondiale changea complètement la donne. La révélation du génocide remplit les Européens et les Américains d'horreur (Je souligne longuement, au début du chapitre 13 du cours sur la France, que dans l'immédiate après-guerre les souffrances des juifs n'occupaient pas, dans la conscience européenne, une place aussi centrale que celle qu'elles ont acquis à partir de 1980 environ. Mais il ne faut rien exagérer: on les connaissait cependant; d'autre part, aux États-Unis et en Grande-Bretagne, pays qui n'eurent pas de mythes résistants, l'opinion publique y fut tout de suite bien plus sensible.) ; il devenait très difficile de critiquer le sionisme sans passer pour antisémite (Les paragraphes que j'ai rédigés plus haut sur les origines du sionisme, et la conclusion de cette fiche, n'auraient pas pu être écrits avant Sabra et Chatila. D'autant que l'après-guerre fut l'apogée de la popularité du socialisme en Europe occidentale, et que le sionisme était perçu sous cet angle; même l'U.R.S.S., nous allons le voir, était prosioniste.), d'autant que le grand mufti de Jérusalem avait eu, on vient de le voir, une attitude fort peu glorieuse — par la suite, la réputation d'antisémites pronazis poursuivit bon nombre de leaders arabes, notamment Nasser, et le plus souvent à bon droit: l'Égypte nassérienne fut l'un des grands centres de diffusion des Protocoles des Sages de Sion et d'autres ouvrages de même farine, des portraits de Hitler trônent toujours dans certains foyers palestiniens de Jordanie ou du Liban; en Europe et aux Etats-Unis, l'engagement pro-palestinien explique pas mal de glissements, après 1945, du camp de l'extrême-gauche anticolonialiste aux extrêmedroites les plus malodorantes (je pense notamment, pour la France, à Roger Garaudy et aux révisionnistes1). Les sionistes exploitèrent sans vergogne le sentiment de culpabilité des Ocidentaux, point très fiers d'avoir traîné à libérer les camps pour des raisons stratégiques; ils se livrèrent à une véritable instrumentalisation du génocide au bénéfice de la cause qui leur semblait juste (l'expression est empruntée aux historiens israéliens dits "révisionnistes" — dans un autre sens qu'au début du paragraphe! —,notamment Zeev Sternhell, des Israéliens qui se sont livrés depuis une vingtaine d'années à une vigoureuse et courageuse remise en cause de tous les mythes israéliens, dans l’idée que le plus dangereux pour l’âme d’un

peuple est de vivre dans le mensonge). Il faut dire que les candidats à l'émigration en Palestine étaient légion désormais, même si la majorité des Juifs souhaitaient toujours émigrer aux États-Unis. Il n'était pas question que les survivants des camps de la mort se réinstallassent en Europe centrale, où leur monde avait disparu, et où les populations chrétiennes délivrées du nazisme n'en étaient pas devenues moins antisémites pour autant: il y eut un pogrome en Pologne en 1946 dans la ville de Kielce, où des rescapés des camps tentaient de récupérer leurs biens. Les Britanniques, pour éviter une confrontation générale au Proche-Orient, maintinrent cependant leur politique de restriction à l'immigration sioniste en Palestine, et cessèrent de soutenir la Haganah et l'Irgoun (sous les ordres de Menahem Begin depuis 1944). À Alexandrie en septembre-octobre 1944 , ils suscitèrent la fondation d’une Ligue arabe qui réunissait les pays arabes indépendants (plus la Transjordanie qui ne l'était pas encore), et affirma solennellement leur refus de tout État juif. Tandis que le sort des réfugiés des camps auxquels on refusait l'accès à la Palestine faisait scandale (,Il y eut notamment, à l'été 1947, l'affaire de l'Exodus, un navire qui transportait quatre mille cinq cent malheureux, et qui, après toute une

odyssée qui le mena notamment à Chypre, dut repartir pour l'Allemagne; Otto Preminger en a fait un film, Exodus, en 1960) l'Irgoun se lança dans le terrorisme, à la fois anti-britannique et anti-arabe: il assassina notamment le ministre-résident britannique au Caire; le célèbre attentat contre l'hôtel du Roi-David, Q.G. des forces britanniques en Palestine, fit plus de cent morts en juillet 1946. Dans ces conditions le problème palestinien s'internationalisa à grande vitesse. L'U.R.S.S. s'engagea fermement aux côtés des sionistes, en grande partie pour pousser ses pions au Proche-Orient face à l'affaiblissement des impérialismes dans cette région du monde; elle tenta, pour son propre compte, d'instrumentaliser la dimension socialisante du sionisme. Les États-Unis, sous la pression d'une opinion publique très favorable au sionisme, et eux aussi pour pousser leurs pions dans cette région du monde, demandaient une augmentation des quotas d'immigration sioniste, et que le manndat britannique fût transféré à l'O.N.U. Les Britanniques finirent par jeter l'éponge début 1947 (ils étaient ruinés et avaient d'autres problèmes en Inde): ils transmirent effectivement la gestion du problème palestinien à l'O.N.U. Celle-ci, par la résolution n°181 de novembre 1947, proposa un plan de partition de la Palestine mandataire: il y aurait un État juif et un État arabe, formé de trois morceaux sans continuité géographique: un en Galilée, au nord (les Arabes y étaient plus nombreux que les Juifs et le sont demeurés); un autour de,Jérusalem; un dans la région de Gaza et dans le sud du désert du Néguev. Au beau milieu du plus grand des trois lambeaux, Jérusalem aurait été placée sous mandat international. À l'évidence les Arabes ne pouvaient accepter ce plan; de toute façon, ils estimaient qu'ils n'avaient pas à céder quelque part que ce fût de la Palestine aux envahisseurs; avec l'appui des État arabes indépendants, ils pensaient pouvoir gagner la guerre qui s'annonçait. Les sionistes, eux, acceptèrent le plan de l'O.N.U. du bout des lèvres, quoique dans sa partie centrale l'État juif à naître n'eût gure plus de dix à quinze kilomètres de large, ce qui le rendait difficile à défendre, et quoique l'Irgoun estimât qu'il était possible de conquérir l'ensemble d'Eretz Israël. Tandis que les troupes britanniques pliaient bagage, la guerre reprit entre les deux communautés. En mai 1948, les sionistes proclamèrent l'indépendance d'Israël, ce qui acheva de transformer en conflit régional un affrontement qui, en réalité, n'était déjà plus une simple guerre interconfessionnelle, car des "volontaires" arabes accouraient de toutes parts: une "Légion arabe de Transjordanie" était notamment apparue.

III) Israël et la Palestine; les conflits israélo-arabes.

La guerre d'indépendance d'Israël commença donc en mai 1948. L'État sioniste naissant fut attaqué de tous côtés par les armées de ses voisins arabes et celle de l'Irak, lesquelles bénéficièrent d'un appui technique britannique; plus, bien entendu, les activistes arabes de Palestine. L'armée israélienne, désormais connue sous l'acronyme hébreu Tsahal (littéralement: "Armée de Défense d'Israël"), bénéficia surtout de l'aide soviétique, Tsahal eut aussi l'immense avantage d'être la seule force armée belligérante à bénéficier d'une aviation. Mais ce fut avant tout l'union qui fit la force; la compétence des chefs militaires, et la farouche volonté d'une population juive au pied du mur, firent la différence et permirent aux Israéliens, très minoritaires, de l'emporter. Au moment du cessez-le-feu, en mars 1949, Israël contrôlait 78% de la Palestine mandataire; ce qui en restait fut annexé par la Transjordanie, qui prit à cette occasion le nom de Jordanie, sauf la bande de Gaza qui fut placée sous administration égyptienne. Jérusalem était coupée en deux, la vieille ville demeurant du côté arabe; en certains points l'État hébreu ne mesurait qu'une quinzaine de kilomètres d'ouest en est, ce qui risquait de poser de gros problèmes de sécurité: bien entendu, les pays arabes ne reconnaissaient toujours pas "l'entité sioniste", et ils étaient toujours en guerre; les inflitrations de fedayin en provenance des pays voisins étaient incessantes. Il y avait eu six mille morts du côté juif, soit 1% de la communauté; je n'ai pas trouvé les pertes de l'autre camp. Les deux tiers de la population arabe des régions sous contrôle israélien s'enfuirent, ce qui fait qu'il ne restait plus que cent soixante mille Arabes en Israël, soit 12% de la population (aujourd'hui, ils en forment 18%). Longtemps la propagande israélienne a prétendu qu'ils étaient partis "de leur plein gré" (on peut d'ailleurs se demander ce que cela signifiait, après des années de terrorisme de l'Irgoun et vu le statut de citoyens de seconde zone qui les attendait); dans les années 1990, il a bien fallu reconnaître que l'expulsion des Arabes de Palestine a été largement planifiée (il y eut aussi des massacres de civils arabes, notamment à Deir Yasin): autrement dit qu'il s'est agi d'un cas de purification ethnique, comme l'on dit depuis la tragédie yougoslave — les "hommes sans terre" s'étaient forgé par le fer et le feu la "terre sans hommes" que les premiers sionistes avaient jadis fantasmée. Les expulsés se réfugièrent dans les régions de Palestine qui demeuraient sous contrôle jordanien ou égyptien, en Jordanie même (ils y forment aujourd'hui 60% de la population) et au Liban; on les installa dans des camps de réfugiés, gérés par une agence de l'O.N.U. créée pour l'occasion, l'United Nations Relief and Work Agency (U.N.R.W.A.). Beaucoup s'y trouvent toujours, en bonne partie parce qu'ils refusent d'en sortir pour ne pas pérenniser leur exil: ils réclament le droit au retour sur leur terre — du reste, les pays qui les hébergent n'ont aucune envie de les intégrer. Pour les sionistes, les Arabes n'avaient qu'à aller vivre dans "les pays arabes", comme les Juifs vivaient en Israël; jusque dans les

années 1980, on entendait souvent l'argument selon lequel "les Arabes (le mot "Palestiniens" était alors tabou) ont une patrie: la Jordanie". Bien sûr l'exil et l'injustice ont eu l'effet exactement inverse, celui de cristalliser une nouvelle identité nationale, l'identité palestinienne, différente des identités libanaise, syrienne, jordanienne, égyptienne, etc., et fondée sur la revendication de la terre, symétriquement aux prétentions sionites. La machine infernale du nationalisme et du colonialisme avait produit le résultat prévisible: deux communautés que tout séparait réclamaient les mêmes territoires. Les Arabes d'Israël ont le droit de vote; ils s'en servent — ils sont

restés loyaux à Israël jusqu'à la deuxième Intifada de l'automne 2000, où pour la première fois on en a vus manifester en solidarité avec les Palestiniens. La plupart votent pour le parti communiste local, qui affiche son internationalisme et sa détestation des rabbins; les autres votent pour le parti travailliste, moins extrémiste que la droite dans sa perception du problème arabe. Mais ils subissent diverses discriminations; certaines inofficielles mais cependant fort sensibles, par exemple à l'embauche (et des manifestations d'agressivité en période de tension politique); d'autres tout à fait officielles, ainsi ils ne font pas leur service militaire; longtemps, ils ont été soumis à un régime spécial d'administration militaire. Cela dit, le sort politique des Arabes d'Israël est certainement plus doux que celui des habitants des pays arabes les plus dictatoriaux; par ailleurs, il n'y a pas de politique d'hébraïsation (l'arabe est langue co-officielle en Israël), encore moins évidemment de judaïsation.

Pour rendre le fait sioniste irréversible, en juillet 1950 les travaillistes israéliens votèrent la loi du retour, qui donne à tout juif le droit d'immigrer en Israël et d'obtenir la nationalité israélienne; une politique ouvertement nationaliste donc: Israël est l'un des rares pays au monde qui sélectionne ses immigrés selon des critères ethniques — ou plus exactement, à la base, religieux: ce sont des rabbins qui décident qui est juif et qui ne l'est pas. Dans les années 1984-1985, ils ont tenté de mettre des bâtons dans les roues aux Falachas, les quinze mille juifs d'Éthiopie (noirs de peau évidemment, ce qui déplaisait, et adeptes de traditions cultuelles fort hétérodoxes); ils tentèrent d'imposer une "conversion" à ces gens qui se sentaient juifs depuis des millénaires… En revanche dans les annés 1990, les rabbins israéliens ont laissé immigrer des centaines de milliers de personnes en provenance de l'ex-U.R.S.S., dont beaucoup s'étaient assimilés à la culture russe depuis des générations et avaient complètement cessé de pratiquer la religion juive (En U.R.S.S., les Juifs, même assimilés à la culture russe, étaient considérés comme une nationalité distincte. Mais la perception des Russes était différente — une de mes amies russes a un jour eu cette formule: « les Juifs, chez nous, ce n'est pas un peuple, c'est une classe sociale! ». Ce qui rend compte, effectivement, de la présence très forte des personnes issues de familles juives dans l'intelligentsia et, depuis 1991, dans la nouvelle bourgeoisie en cours d'émergence.) , et dont certaines même, semble-t-il, ne sont pas réellement d'origine juive mais ont simplement profité de l'aubaine pour fuir le désordre et la pauvreté post-soviétiques, quitte à faire semblant d'être juifs. Étrange revanche de l'Histoire sur le séculaire antisémitisme russe… L'important, du point de vue israélien, est évidemment de faire nombre face aux Palestiniens dont la natalité est galopante, sans trop regarder aux détails: cela donne l’impression que les logiques ethniques (Arabes contre non-Arabes) l'ont clairement emporté sur les logiques religieuses. Toujours est-il que de 1949 à 1956, il y eut une nouvelle vague d'immigration juive, qui concerna environ huit cent mille personnes, dont, pour la première fois, près de la moitié venaient non pas d'Europe centrale mais des pays arabes, où l'antisémitisme était en train d'exploser: des communautés millénaires disparurent alors, ou à peu près, notamment en Irak, au Yémen et en Syrie. Le sionisme n'a pas seulement transformé les juifs d'Europe en un peuple: il a aussi abouti à une réorganisation complète de la population du Moyen-Orient (et plus tard du Maghreb) selon des bases à la fois ethniques et religieuses: d'un côté les Juifs, qui vivent de plus en plus en Israël et parlent de plus en plus hébreu; de l'autre, les Arabes, désormais musulmans ou chrétiens — il n'y a plus ou presque d'Arabes juifs . Aujourd'hui il demeure quelques centaines de juifs en Syrie, très âgés, et surtout une cinquantaine de milliers au Maroc, où la monarchie tient beaucoup à les traiter comme des Marocains comme les autres, comme des Marocains juifs et non comme des Juifs du Maroc.) . Il en vint d'autres, plus nombreux, à l'indépendance des pays du Maghreb, puis dans les années 1960, tandis que l'immigration en provenance d'Europe se tarissait peu à peu, faute de réservoir, jusqu'à la reprise spectaculaire consécutive à l'effondrement de l'U.R.S.S.(Attention quand même: la population d'Israël s'accroît quand même d'abord à cause d'une natalité assez forte. Sous l'influence de tous ces facteurs la population juive d'Israël est passée de six cent trente mille personnes en 1948, à la veille de l'indépendance, à quatre millions vers 2000. La population arabe est passée de un million trois cent mille personnes dans toute la Palestine mandataire en 1948, à sept cent trente mille en Israël en 2000, plus les cent soixante-dix mille habitants arabes de Jérusalem-est et du Golan, régions dont l'annexion n'est pas reconnue par la communauté internationale. Les Palestiniens sont neuf cent mille en Cisjordanie occupée, neuf cent cinquante mille dans la bande de Gaza (dont deux tiers de réfugiés de 1948 — c'est là notamment que Yasser Arafat a grandi), soit la densité de population la plus élevée du monde, et au moins quatre millions de réfugiés dans les pays environnants, dont trois millions quatre cent mille dans les camps en 2000; mais une partie, notamment parmi ceux qui ont quitté les camps, a fait souche et ne songe pas à rentrer.): cela entraîna une modification profonde de la composition de la population juive d'Israël, où les sépharades sont désormais légèrement plus nombreux que les achkénazes; même l'hébreu est prononcé différemment par ces populations dont la langue originelle est l'arabe. Malheureusement ces populations sont encore plus racistes envers les Palestiniens que les achkénazes d'Europe centrale, pour d'autres raisons — mépris des urbains instruits pour les paysans arabes, traitement souvent privilégié de la part des colonisateurs européens, traumatisme du durcissement antisémite des populations arabes chrétiennes et musulmanes à partir de la naissance d'Israël. Jusqu'en 1977, les travaillistes dominèrent la vie politique israélienne avec les premiers ministres David Ben Gourion (1886-1973, en poste en 1948-1953 et 1956-1963), Moshe Sharet (en poste en 1953-1956), Levi Eshkol (en poste en 1963-1969), Golda Meir, l'une des premières femmes au monde à avoir dirigé un gouvernement (1898-1978, en poste en 1969-1974), et Yitzhak Rabin (1922-1995, en poste en 1974-1977). Israël avait à l'époque l'image d'un pays "progressiste"; l'extrême simplicité des dirigeants politiques israéliens, qui confinait parfois au manque d'éducation, était l'un des éléments importants de cette bonne image à gauche: la classe politique était infiniment plus proche du peuple que dans les autres pays démocratiques — et fort frugale. En même temps l'état de guerre permanent, et conséquemment l'importance de Tsahal dans la vie du pays, faisaient d'Israël un pays déjà passablement militarisé; mais l'armée israélienne, tout récemment issue des milices, n'ayant rien d'un ramassis de badernes élitistes (c'est entre autre le seul pays où les femmes font leur service militaire), à l'époque cela n'abîmait pas l'image d'Israël, au contraire; c'était l'un des éléments d'une espèce d'utopie égalitaire. En 1977, pour la première fois, la droite (le Likoud — le mot signifie simplement: coalition) a remporté l'élection législative; on y a vu, entre autres, l'expression d'un vote sépharade contre l'establishment

travailliste des premières générations du sionisme, essentiellement achkénaze (mais jusqu'ici tous les premiers ministres du Likoud ont été des achkénazes); et aussi celui d'un durcissement nationaliste accéléré de la population israélienne, le Likoud ayant des positions beaucoup plus radicales en politique extérieure et sur le problème palestinien. Depuis 1977, dans le cadre de coalitions de plus en plus fragiles, des premiers ministres du Likoud, Menahem Begin (1913-1992, en poste en 1977-1984), Itzhak Shamir (en poste en 1988-1992) et Benyamin Natanyahou (en poste en 1996-1999), ont alterné avec des premiers ministres travaillistes, Shimon

Peres (en poste en 1984-1986 et en 1995-1996), Itzhak Rabin à nouveau (en poste en 1992-1995, assassiné) et Ehoud Barak (depuis 1999). De tous lesautres points de vue que le conflit avec les Arabes, ils ont mené des politiques très comparables. Dans les années 1980, ils ont dû affronter une crise d'hyperinflation, en partie à cause du poids énorme des dépenses militaires; mais dans l'ensemble le pays a été remarquablement géré, ce à quoi le sentiment d'urgence permanente n'est certainement pas étranger — ni bien sûr l'aide américaine, la première au monde par habitant, et de loin. Peu à peu, Israël est devenu un pays en pointe pour tout ce qui concerne les nouvelles technologies; son agriculture est certainement la plus performante du monde. Face à l'hostilité générale des pays arabes, qui ne parlaient que de "rejeter les sionistes à la mer", et aux attaques incessantes de fedayin en provenance des pays voisins, Israël était donc mobilisé en permanence. En août 1953, il apparut même une unité terroriste de représailles antifedayin, l'"unité 101", commandée par Ariel Sharon ; le 14 octobre 1953, sous ses ordres, elle a assassiné 69 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants dans le village de Qibiya, en Cisjordanie — Israël a donc actuellement (mai 2004) un criminel de guerre à sa tête. Du point de vue des relations internationales, avec la guerre froide Israël dut choisir son camp: il abandonna rapidement l'alliance soviétique, d'autant plus que l'U.R.S.S. du stalinisme finissant était de plus en plus ouvertement antisémite; et il devint l'allié le plus sûr au Proche-Orient des États-Unis, qui appréciaient ce pays économiquement dynamique, aux élites très bien formées, à l'armée compétente, à la vie politique démocratique. Dans ces conditions, le socialisme des kibboutzim et des mochavim est devenu de plus en plus marginal… Le philosémitisme de l'opinion publique américaine joua un rôle aussi dans cette évolution; il ne s'explique pas que par le rôle de la communauté juive aux États-Unis, mais aussi par l'attitude traditionnellement très favorable au judaïsme des protestants, beaucoup plus attachés à la lecture de l'Ancien Testament que les catholiques. Et les protestants américains, comme les juifs, descendent de communautés qui ont eu à souffrir de la discrimination… Cela dit, les Américains surent toujours garder des alliés parmi les pays arabes, et éviter que le conflit moyen-oriental ne se transformât totalement en un conflit de guerre froide . Ce n'en était pas un au départ; c'est pourquoi je n'insiste pas trop sur ce côté des choses, qui me semble avoir été beaucoup grossi par les géopoliticiens de cette époque. La France et la Grande-Bretagne aussi étaient proches d'Israël, bien plus qu'aujourd'hui: c'était que ces deux pays, surtout le premier, avaient eux aussi des problèmes avec les Arabes. Les Algériens avaient du mal à mesurer tout le bien qu'on leur avait fait depuis 1830; les Égyptiens, depuis le coup d'État des colonels en 1952, tentaient de secouer le joug post-colonial. Lorsque Nasser décida de nationaliser le canal de Suez, voie de communication encore hautement stratégique à l'époque, Israël s'allia donc avec ces deux pays pour mener, en 1956, ce que l'on appelle sur place la campagne du Sinaï. Les troupes égyptiennes firent pâle figure et Tashal, commandée par Moshe Dayan, un sabra (1915-1981), conquit sans problème cette péninsule désertique qui sépare l'État sioniste du canal. L'affaire renforça la position régionale d'Israël, mais sous la pression de l'opinion internationale Tsahal dut se retirer rapidement du Sinaï et de la bande de Gaza; des casques bleus tentèrent d'empêcher les infiltrations de fedayin, mais celles-ci continuaient en provenance de la Jordanie, de la Syrie et du Liban. Puis il y eut huit ans et demi de calme fort précaire, marqués par la fondation, en 1959 à Koweit, par Yasser Arafat (né en 1930), du Mouvement de Libération nationale palestinienne (d'après l'acronyme arabe: le Fath), qui engagea la lutte armée en 1965: c'était déjà, au fond, le constat que les pays arabes avaient échoué à prendre en main la cause palestinienne. En 1964, sous l'égide de la Ligue arabe, les différents mouvements de résistance palestinienne se fédérèrent en une Organisation de Libération de la Palestine (O.L.P.), qui se dota d'un parlement, d'une armée (l'A.L.P.) et d'un budget, et dont Yasser Arafat prit la tête en 1969. La charte de l'O.L.P. niait à Israël, "création artificielle", le droit à l'existence, ce qui était faire preuve d'un manque de réalisme flagrant: il était désormais évident qu'Israël allait survivre, surtout avec l'appui américain; de plus en plus d'Israéliens juifs étaient nés sur place, ils n'avaient pas d'autre pays: il n'était pas question de les expulser, sauf à se montrer aussi injustes que les sionistes — il est vrai que ce genre de considération n'arrêtait plus grand-monde dans la région: les logiques d'exclusion et de violence avaient gagné tout le Moyen-Orient et l'ensemble des acteurs politiques. Les troupes de l'O.N.U. dans le Sinaï se retirèrent en mai 1967, à la demande de Nasser. Israël, toujours isolé dans la région malgré les succès d'une "stratégie périphérique" qui l'avait poussé à se rapprocher de la Turquie, laïque et pro-occidentale, et de l'Iran du Shah qui ne l'était guère moins, se sentit menacé d'une nouvelle attaque à très court terme et décida de prendre les devants. Ce fut la guerre des six jours, en juin 1967, où Tsahal, toujours commandée par Moshe Dayan, surprit et écrasa complètement les armées des trois pays arabes voisins: une terrible humiliation (Nasser notamment ne s'en remit jamais. Les affrontements continuèrent durant trois ans dans la région du canal, juqu'à un cessez-le-feu en 1970. L'affaire précipita la marginalisation du canal de Suez, de toute façon dépassé par l'augmentation spectaculaire des tonnages des navires, notamment pétroliers, et "périphérisé" par le recentrage des économies européennes post-coloniales sur leurs partenaires européens et les États-Unis.). Israël s'empara de nouveau du Sinaï, des hauteurs du Golan (des montagnes en territoire syrien qui dominent la plaine de Galilée et d'où les fedayin tiraient), et surtout de la totalité de la Palestine mandataire (la bande de Gaza et la Cisjordanie). Dès cette époque, beaucoup en Israël rêvaient d'étendre l'État

sioniste à l'ensemble de la Palestine mandataire, de faire ce qu'on appelait "le grand Israël". Cependant l'État hébreu n'annexa pas ces régions, parce que cela aurait provoqué mécaniquement une augmentation spectaculaire de la population arabe israélienne, ce qui aurait remis en cause le caractère juif de l'État israélien ? Notons qu’il ne fut pas question d'expulser leurs habitants (Il y eut quand même une nouvelle vague de réfugiés, plus importante que celle de 1948-1949. Pour certains habitants des camps de réfugiés de

1948, ce fut un deuxième exil.): l'opinion internationale ne l'eût pas permis, l'opinion publique israélienne non plus sans doute, à cette époque tout au moins. Aussi la Cisjordanie demeura officiellement jordanienne jusqu'en

1988, date à laquelle la Jordanie renonça à sa souveraineté sur les régions annexées en 1949; depuis, les habitants des "territoires occupés" (la Cisjordanie et Gaza) sont des apatrides. Seule la partie orientale de Jérusalem fut annexée dès 1967, et le Golan en 1981. En 1980, Jérusalem a été proclamée "capitale éternelle du peuple juif" et le gouvernement et la Knesset s'y installèrent; mais l'immense majorité des pays étrangers refusent de cautionner cette auto-appropriation de l'Histoire de la région par Israël, et ont maintenu leurs ambassades à Tel-Aviv, d'ailleurs toute proche. La guerre des six jours commença à tranformer l'image d'Israël: « Israël n'était plus innocent » (A. Finkelkraut); Israël n'était plus le sympathique David affronté aux géants arabes, mais un pays fort, qui avait pris l’initiative d’une guerre et qui occupait des territoires que tout le

monde, depuis 1948, s’était habitué à considérer comme étrangers. Pour ne prendre qu'un exemple français, ce fut quelques mois plus tard que de Gaulle eut sa fameuse formule sur « le peuple juif, sûr de lui et dominateur »; laquelle me semble plus maladroite d'ailleurs en ce qu'elle assimilait les juifs aux Israéliens, épousant ainsi complètement les logiques ethno-religieuses des sionistes (et prêtant le flanc à l'accusation d'antisémitisme), que par ce qu'il voulait dire d'Israël, et qui somme toute, hélas, s'est révélé assez juste. Effectivement, les sionistes, de minorité en butte à l'hostilité (même justifiée) de leurs voisins, étaient devenus des dominateurs; on allait vite constater qu'ils pouvaient se conduire avec une extrême brutalité — c'était déjà le cas avant 1948; mais à cette époque le Proche-Orient n'était pas à ce point sous les feux de l'actualité, car les enjeux mondiaux de la situation régionale étaient moins importants. Dès les premiers mois, des colonies juives commencèrent à s'implanter dans les territoires occupés avec la bénédiction du gouvernement, volant la terre à ses habitants, détruisant leurs villages et leurs plantations, accaparant l'eau dont ils manquent, les soumettant à un régime d'apartheid. Ces colonies, à la fin des années 1990, en sont venues à rassembler environ deux cent mille personnes, dont certaines sont particulièrement racistes et excitées.. La population des territoires occupés, prostrée, ne réagit pas durant vingt ans: comme par ailleurs les infiltrations cessèrent, sauf en provenance du Liban, puisqu'Israël avait désormais partout ailleurs des frontières sûres, les Palestiniens de l'intérieur cessèrent, pour une génération, de jouer un rôle dans leur propre lutte de libération. Celle-ci était désormais entre les mains des Palestiniens de l'extérieur et des pays arabes. L'O.L.P. mit vingt ans à comprendre qu'elle ne gagnerait pas le combat par les armes ni par la terreur contre Israël, mais en s'attirant la sympathie internationale grâce à cet atout majeur des faibles que représentent les médias modernes: jusqu'au début des années 1980, ellemultiplia les attentats terroristes les plus odieux, comme l'enlèvement des athlètes de la délégation israélienne aux jeux Olympiques de Munich, en septembre 1972, qui se termina par un bain de sang; dans les années 1970, elle se fit une spécialité des détournements d'avions — le plus célèbre, en 1976, conduisit un avion d'El Al, la compagnie aérienne israélienne, jusque sur l'aéroport d'Entebbe en Ouganda, où un commando des services secrets israéliens (le Mossad) délivra les otages à l'issue d'un assaut audacieux. Les terroristes palestiniens avaient "sélectionné" les passagers juifs pour libérer les autres. Au gré de mes souvenirs, je voudrais aussi évoquer cet Américain âgé et handicapé, jeté à l'eau du pont d'un navire de plaisance détourné en Méditerranée, uniquement parce qu'il était juif… Le Fath était d'ailleurs largement dépassé en extrémisme par d'autres organisations plus radicales nées du choc de la guerre des six jours, notamment le F.P.L.P. de Georges Habache (un chrétien), fondé en 1967. Tous ces mouvements, laïcs et socialisants (l’islamisme à l’époque était marginal), étaient largement manipulés, en partie par l'U.R.S.S., en partie par les différents dictateurs arabes; ils étaient en liaison étroite avec les extrême-gauches terroristes européennes, qu'ils entraînaient notamment. La présence de centaines de milliers de réfugiés palestiniens et de

dizaines de milliers d'hommes en armes pesait lourd sur les pays voisins d'Israël, où les Palestiniens avaient tendance à n'en faire qu'à leur tête et l'O.L.P. à se comporter comme un État dans l'État. Le roi Hussein de

Jordanie fut le premier à s'en alarmer — il faut dire que dans son pays les réfugiés étaient majoritaires: en septembre 1970 (Septembre noir pour les Palestiniens), l'armée jordanienne attaqua les camps de réfugiés et brisa la puissance armée de l'O.L.P. (essentiellement en fait celle du F.P.L.P., qui avait pris le dessus sur le Fath), au prix de milliers de morts: une catastrophe durable pour la résistance palestinienne. Expulsés de Jordanie en 1971, les fedayin et leurs chefs se réfugièrent au Liban, qu'ils contribuèrent à déstabiliser: ce fut l'une des causes de la guerre civile qui éclata en 1975. Pendant ce temps, la position d'Israël s'affaiblissait à vue d'oeil à l'O.N.U., où les pays du tiers-monde étaient de plus en plus nombreux, et solidaires des Palestiniens: tout le monde hors d’Occident interprétait la crise israélo-arabe comme une crise de décolonisation; interprétation qui me semble exacte et que seules les complications dues à la guerre froide, et le statut particulier des Juifs dans l'opinion publique occidentale, contribuèrent à voiler jusque dans les années 1990. En novembre 1967, par la résolution n°242, l'O.N.U. demanda à Israël de se retirer des territoires occupés en échange "d'une paix dans la sécurité". Certains pays acceptèrent cette résolution, dont l'Égypte et la Jordanie, et de cette manière reconnurent implicitement le droit d'Israël à l'existence; d'autres, notamment la Syrie, et bien sûr l'O.L.P., continuaient à rêver de la disparition de "l'entité sioniste", et formèrent ce qu'on appelait le "front du refus". Les deux camps ne correspondaient que très grossièrement aux camps pro-soviétique et pro-américain. En 1975, l'Assemblée générale de l'O.N.U. alla plus loin dans le soutien à la cause palestinienne, en assimilant le sionisme à "une forme de racisme", formule d’une brutalité inacceptable (certains sionistes sont racistes, mais le sionisme n’est pas raciste en soi). Du fait de l'hostilité des États-Unis cette résolution n'eut pas de conséquences concrètes; Il y eut aussi, en novembre 1974, une spectaculaire visite de Yasser Arafat au siège de l'O.N.U. à new York, où il brandit un pistolet en pleine séance, à la fureur des Américains (Arafat, dirigeant d'un mouvement terroriste, était interdit de séjour sur le territoire des États-Unis, sauf précisément en cas d'invitation onusienne.) Sadate, qui avait succédé à Nasser en 1970, décida de laver l'affront de la guerre des six jours. Il choisit pour attaquer le jour de Yom Kippour, la plus importante fête religieuse juive, durant laquelle toute activité s'arrête en Israël: ce fut la guerre du Kippour, en octobre 1973. Pour la première fois, le Mossad fut pris au dépourvu; Tsahal fut quelques jours en difficulté, et Israël ne l'emporta que grâce à un pont aérien américain de matériels militaires: un mythe était mort. La fureur des Arabes à la suite de ce soutien américain à l'État sioniste fut à l'origine directe du premier choc pétrolier. L'Égypte, en meilleure position désormais, pouvait se permettre de négocier pour récupérer sa souveraineté sur le Sinaï et pour rechercher la paix dans la région, paix dont Sadate avait compris qu'elle passait par l'acceptation de l'existence d'Israël; la situation était d'autant plus favorable que l'O.L.P. s'était mise hors jeu à cause du terrorisme. Les négociations commencèrent en 1974, sous l'égide de Henry Kissinger, le secrétaire d'État américain, et aboutirent à un retrait partiel des Israéliens du Sinaï. En novembre 1977, deux mois après la victoire du Likoud à l'élection législative israélienne, Sadate fit un geste spectaculaire: il se rendit à Jérusalem, prit la parole devant la Knesset, proposa la paix et la création d'un État palestinien, c’est-à-dire un partage de la Palestine mandataire. Malgré l'opposition du "front du

refus", qui, à la conférence de Tripoli en décembre 1977, exclut l'Égypte de toutes les institutions arabes, les négociations aboutirent en septembre 1978 aux accords de Camp David (C'est une résidence rurale de la présidence américaine, où Jimmy Carter réunit les délégations israélienne et égyptienne.): Israël faisait la paix avec l'Égypte en échange du Sinaï. Elle fut signée en septembre 1979; c'était la première fois de son Histoire qu'Israël était en paix avec l'un de ses voisins. En revanche, le sort des territoires occupés demeura en suspens, Israël refusant d'appliquer les dispositions des accords concernant leur autonomie. Sadate paya son courage politique de sa vie: il fut assassiné en octobre 1981 par un soldat de sa garde. Entre-temps, en 1978 Israël avait commencé à intervenir au Liban, où les Palestiniens prospéraient dans l'anarchie générale, et lançaient des attaques sur la Galilée. Tsahal commença, en 1978, par occuper une "zone de sécurité" d'une dizaine de kilomètres de large, qu'elle confia à des milices chrétiennes locales; puis, comme cela ne suffisait pas, en 1982, dans le cadre de l'opération "paix en Galilée", elle envahit toute la moitié sud du Liban, y compris Beyrouth; elle faillit tuer Yasser Arafat, qui fut sauvé parce que les Américains l'évacuèrent — ils ne voulaient pas d'un triomphe des extrémistes palestiniens. L'occupation du Liban fut marquée par le massacre de plus de huit cent vieillards, femmes et enfants dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila, commis en

eptembre 1982 par des miliciens chrétiens libanais avec le feu vert de l'armée israélienne, commandée par Ariel Sharon — deux fois criminel de guerre, donc (L'écrivain français Jean Genet a consacré à cet événement une part essentielle de son dernier et très beau texte littéraire: Un captif amoureux, mi-roman, mi-témoignage, paru en 1985.) . Ces massacres provoquèrent un énorme scandale, imposèrent l'image d'une guerre sale et injuste (d'autant que, pour la première fois, Israël occupait des territoires qui n'avaient jamais rien eu à voir avec la Palestine mandataire), et achevèrent de dégrader l'image de l'État sioniste, lequel apparaissait désormais comme l'agresseur sans pitié d'un peuple en état d'extrême faiblesse. Les rôles s'étaient complètement inversés depuis la guerre d'indépendance: si longtemps, selon l'expression d'Alain Finkelkraut, « la puissance d'Israël [avait procédé] de sa fragilité », désormais sa faiblesse principale découlait du spectacle de la façon dont il employait sa force (N.B. dès cette époque, tout le monde savait qu'Israël possédait la bombe atomique.) . Par la suite, Israël s'enlisa complètement au Liban, où Tsahal fut incapable de faire cesser les attentats; elle dut se retirer de l'essentiel du pays en 1985, et même de la "zone de sécurité" en 2000. Mais l'O.L.P. était très affaiblie; ce fut au moment de la guerre du Liban, laquelle coïncida par ailleurs à peu près avec la Révolution islamique en Iran, qu'apparut parmi les Palestiniens (de l'intérieur et de l'extérieur) une nouvelle mouvance, islamiste et non plus nationaliste laïque, le Hamas. Quant aux pays arabes, ils furent totalement incapables de s'unir pour réagir, à cause de la défection égyptienne et de la guerre entre l'Irak et l'Iran. En décembre 1987, pour la première fois depuis l'occupation, un soulèvement (intifada en arabe) eut lieu dans les territoires occupés. Leurs habitants n'en pouvait plus d'être traités comme des chiens, en étrangers sur leur propre terre; les mouvements de résistance, O.L.P. et Hamas, avaient compris qu'il ne fallait plus compter sur les pays arabes, et, leçon de Sabra et Chatila (et plus lointainement du mouvement des droits civiques aux États-Unis: voyez le cours sur ce pays, au chapitre 4), que le spectacle de la violence exercée contre les faibles servait davantage leur cause que les attentats: ce fut pourquoi on vit essentiellement des enfants jeter des pierres sur les soldats de Tsahal et sur les colons, qui, sûrs de leur droit, répondaient avec une brutalité disproportionnée. L'intifada "des pierres" finit par s'essouffler et n'aboutit pas à grand-chose sur le moment: l'O.L.P. proclama un État palestinien en novembre 1988, mais cela n'eut pas de conséquences concrètes, et Yasser Arafat, en mai 1989, renonça à la charte fondatrice de l'O.L.P., c'est-à-dire qu'il se résigna à reconnaître Israël dans les frontières de 1949, celles de l'armistice, et donc à renoncer à 78% du territoire la Palestine mandataire. Les Israéliens considéraient que ce n'étaient pas assez; ils voulaient continuer à contrôler l'ensemble de la Palestine mandataire, tout en refusant tout droit politique aux habitants de la Cisjordanie et de Gaza. Certains Israéliens, minoritaires, commençaient même à parler d'expulser les Palestiniens, notamment le rabbin Meir Kahane, dirigeant du mouvement d'extrême-droite Kach, qui fut assasiné à New York en 1991. Puis, en 1991, l'O.L.P., en partie par crainte des surenchères du Hamas, commit l'erreur de se ranger derrière Saddam Hussein dans la guerre du Golfe: elle en sortit si affaiblie auprès de l'opinion publique internationale qu'elle ne put refuser les  invites pressantes des Américains à engager une négociation avec Israël. Deux années de pénibles tractations

aboutirent, en septembre 1993, aux accords d'Oslo, par lesquels Israël et "la Palestine" se reconnaissaient mutuellement. Israël reconnaissait le principe d'une "autonomie" pour Gaza et la ville de Jéricho, laquelle était censée s'étendre peu à peu à l'essentiel des territoires occupés, et déboucher éventuellement sur l'indépendance de la Palestine, ou sur une confédération. Arafat s'installa à Gaza, forma un exécutif, et de premières élections palestiniennes eurent lieu (Durant la période où elle a fonctionné, l'entité palestinienne a été

gérée de la manière la moins démocratique possible! Arafat, chef de guerre vieillissant, s’est révélé incapable de tolérer une opposition; seule la maladie l'a empêché de gouverner en autocrate absolu. De manière générale, il mérite largement le prix d’homme politique le plus calamiteux du XXe siècle : être arrivé à rendre à ce point impopulaire la cause palestinienne, qui est une cause juste, est une manière de performance… Israël n’a pas eu de meilleur allié objectif.), malgré l'opposition du Hamas à un processus tenu pour une abdication — et puis, beaucoup en Palestine doutaient à juste titre de la sincérité israélienne. Au passage, Israël fit la paix avec la Jordanie en octobre 1994, et normalisa plus ou moins ses rapports avec la plupart des pays arabes — elles ne sont point très chaudes pour autant, mais seuls les plus extrémistes comme la Lybie, et surtout la Syrie, sont toujours officiellement en guerre. Malheureusement, la logique gradualiste du processus d'Oslo fut rapidement mise à mal par le durcissement du gouvernement et de la société israéliens: le signataire israélien d'Oslo, Itzhak Rabin, fut asassiné en novembre 1995 par un extrémiste juif qui voulait torpiller les accords; puis, en février 1996, une vague d'attentas du Hamas aidant, le Likoud gagna l'élection législative et s'employa consciencieusement à vider les accords de leur sens. Les dernières étapes du processus prévu à Oslo furent reportées sine die, en particulier tout ce qui avait trait au démantèlement des colonies juives (la colonisation a continué de plus belle); la situation était complètement bloquée lorsqu'en septembre 2000, à la suite d'une visite-provocation d'Ariel Sharon sur l'esplanade des Mosquées, éclata une deuxième intifada, dite "intifada al-Aksa" du nom de l'une des deux mosquées qui s'y trouvent; elle dure toujours à l'heure où j'écris, nettement plus violente que la première — les Palestiniens ne se contentent plus de pierres.

Conclusion – partiale forcément ! L'État sioniste survivra, mais le rêve d'un "grand Israël" sur l'ensemble de l'étendue de la Palestine mandataire ne se réalisera pas: ce sont les deux seules certitudes que l'on peut avoir aujourd'hui. Le reste dépend de l'évolution d'Israël, et le moins que l'on puisse dire et que les perspectives en sont extrêmement inquiétantes : ce pays donne l’impression d’être aujourd'hui gangréné par l'extrémisme. Un seul exemple, mais il y en aurait des milliers: en février 1994, un colon juif membre du Kach, Baruch Goldstein, a tiré dans la foule des fidèles musulmans réunis à l'intérieur du caveau des Patriarches, à Hébron, en Cisjordanie: il considérait que ce lieu saint, par le seul fait qu'il apparaît dans l'Ancien Testament, constitue la "propriété" des seuls juifs, tout comme la "terre d'Israël", et que l'existence d'autres revendications sur ce monument et cette terre ne peuvent être réglées que par le meurtre. Il y eut cinquante-deux morts. Goldstein, que certains en Israël vénèrent (tout comme l'assassin de Rabin), n'est pas un fou: jeune, tout comme l'assassin du veillard Rabin, il représente, hélas, ce à quoi un certain Israël, de plus en plus, tend à ressembler. Bien sûr, il existe (encore) un autre Israël; mais on ne l'entend guère. En 2001, un criminel de guerre, Ariel Sharon, est devenu premier ministre ; il n’a d’ailleurs pas mené une politique particulièrement extrémiste. On entend aujourd'hui en Israël, et aussi dans la fraction de la communauté juive française qui s'affiche solidaire du sionisme, des propos d'un racisme à couper le souffle, des éructations de haine, des appels à la discrimination et au meurtre, qui dans aucune autre communauté ne seraient tolérés. Rien ne les excuse, et surtout pas les souffrances des juifs durant la seconde guerre mondiale, que certains exploitent obscène ment; car le fait d'avoir souffert, ou de descendre de gens qui ont souffert, n'autorise pas à faire souffrir: être juif ne constitue pas un permis de tuer.. Les violences arabes et palestiniennes n'excusent rien non plus: elles sont une réponse à l'injustice — Israël est fondé sur une injustice, cela ne peut être oublié même si cela devra être pardonné. L’avenir des Israéliens est au Proche-Orient, mais il faudra un jour que les Isréaliens demandent des excuses aux populations qu’ils ont dépouillés, maltraités et tuées, comme les Français en ont demandé aux Algériens, et les Américains aux Indiens. En attendant, la lutte pour la libération d'un territoire envahi et volé, la lutte pour la dignité d'un peuple humilié et brutalisé, est parfaitement légitime en elle-même: sinon, il faudrait aussi condamner la lutte des Algériens, elle des Indochinois, celle des Noirs américains, etc. Bien entendu l'existence d'Israël est légitime aussi — elle l'est devenue à partir du moment où des Israéliens sont nés sur le territoire de l'ancienne Palestine : c'est leur pays. Mais encore faudrait il vouloir s'entendre avec les autres habitants de la Palestine, qui ont autant de droits que les Juifs à y vivre, et à égalité de droit, non pas dans une situation de demi-esclavage; encore faudrait-il négocier et non pas exiler, écraser, massacrer; encore faudrait-il essayer d'aimer, essayer de se faire aimer: les logiques d'oppression, de mépris, de racisme sont toutes inacceptables. Cela est certes moins facile aux Israéliens qu'à d'autres, ne serait-ce que parce que leurs ennemis ont, eux aussi, abondamment oublié ces règles; mais Israël est fort désormais, très fort, et les forts ont plus de devoirs que les faibles. Ce que devient Iraël depuis quelques années est un drame, car c’est la plus belle revanche posthume des extrémismes nationalistes et colonialistes européens du XIXe siècle : c’est le peuple qui en a le plus souffert qui tend aujourd’hui en adopter les attitudes. Je crois qu'elles étaient en germe dans le projet sioniste, qui a constitué, en quelque sorte, une inversion et une intériorisation de la discrimination, un enfermement décisif des juifs dans le monde de leurs ennemis, dans le monde de la discrimination religieuse, nationale et raciale. Est-il encore temps de sortir du cauchemar? Il faudait modifier la nature même d'Israël, que ce ne soit plus un État juif, un État sioniste, que ce ne soit plus un État national — on ne bâtit pas un État-nation sur une terre où, si l'on prend en compte les réfugiés, il y a à peu près autant de Palestiniens que d'Israéliens. Une confédération pourrait être une solution acceptable en attendant mieux. Il faudrait donner aux Arabes de Palestine une vraie place sur leur terre d'origine, au lieu d'essayer de les parquer dans des espèces  de réserves indiennes et de les réduire à la condition de prolétaires au service des maîtres israéliens. Bref, il faudrait faire le travail auquel se livrent, depuis 1990, avec un courage remarquable, les Sud-Africains, que tout sépare; mais ni Israël ni la Palestine, manifestement, n'ont trouvé leur Mandela. Il faudrait aussi, et peut-être surtout, sortir de cette détestable culture d'anciennes victimes qui, du fait de l'avoir été, se croient tout permis. Je voudrais, à ce propos, conclure ce texte par une citation de l'ouvrage Être protestant en France aujourd'hui de Jeanne Kaltenbach, paru en 1991: « lors du colloque organisé en 1990 au Chambon-sur-Lignon, en mémoire des juifs cachés sur tout le plateau [par des protestants, entre 1941 et 1945, ce qui valut à ces villages la médaille des Justes, décernée par l'État d'Israël], le pasteur Alain Arnoux fit la prédication suivante, inspirée par Matthieu, VI, 1: "gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes pour en être vus". Pasteur de l'Église réformée du Chambon, il rappela devant les frères darbystes, les représentants de l'Église évangélique libre, le curé et l'ambassadeur d'Israël, que "la réalité de l'Église ne dépend pas de personnalités en vue, si fortes soient-elles... Il ne faut pas, jamais, que cette histoire devienne rentable. Il ne faut pas, jamais, qu'un habitant du plateau dise à un juif: "vous nous devez quelque chose". Et surtout, et encore moins, il ne faut pas que ceux qui n'ont pas vécu cette histoire en deviennent les profiteurs. Que les petits-enfants s'attribuent une gloire que leurs anciens ont refusée. Et qu'ils en fassent jamais un fond de commerce... Si un jour à l'entrée du plateau, on voit fleurir des écriteaux: "ici on a aimé les juifs", alors, ceux qui sont aujourd'hui remerciés seront reniés et insultés. On n'est pas juste par hérédité. Puisque ce plateau est remercié d'avoir autrefois scolarisé des enfants, ouvert des maisons, accueilli des gens pourchassés de toute l'Europe, nous aimerions qu'il n'y ait plus d'écoles fermées devant de jeunes Palestiniens, plus de maisons dynamitées, plus de gens expulsés de leur terre ancestrale pour être remplacés par des colons. En attribuant cette médaille des Justes, vous avez invité tous ceux qui vivront et passeront sur ce plateau à être aussi justes et fraternels qu'il est possible à des humains de l'être. Mais d'une certaine façon, c'est aussi à vous-même, Israël, que vous adressez cet appel ».

24 mars 2008

Mail d'Etienne (Ulm) en réaction au débat sur les sans-papiers

« Le courage, c’est d’aller vers l’idéal et de comprendre le réel » Jaurès

Ce n’est pas par sarkozisme que je cite Jaurès, mais parce que cette phrase me semble très juste, et parce que je ne sais pas si bien dire. J’ai toujours eu en effet le sentiment qu’aspirer à un idéal, quel qu’il soit, n’était légitime que dans le cadre d’une compréhension rigoureuse de la réalité, le sentiment qu’on ne peut juger le monde que si on le comprend d’abord, que « ce qui devrait être » n’est souhaitable que s’il peut être. Je vais donc essayer de montrer quelles sont les différentes attitudes existantes face à l’immigration, leurs conséquences, et dans quelle tradition s’inscrit la « rupture » sarkoziste (qui n’est pas une rupture, nous l’avons compris depuis quelques temps) ; mais seulement d’un point de vue français, pour des raisons évidentes de temps et d’ignorance, laissant à d’autres, peut-être, le soin de traiter la question sur le plan international, d’examiner les conséquences de l’émigration dans les pays d’origine ?

Les deux extrémités entre lesquelles les politiques d’immigration se situent habituellement sont  l’assimilation ou l’insertion. Par une politique d’assimilation, on recherche la pleine adhésion des immigrés aux normes de la société d’accueil, tolérant seulement l’expression d’une éventuelle identité propre dans un cadre privé. Une politique d’insertion au contraire laissera plus de liberté au migrant, lui permettant de garder ses coutumes, d’avoir une école adaptée, de parler sa langue. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont clairement une politique plus proche de la politique dite d’insertion, qui permet d’accueillir des immigrés en plus grand nombre1, mais pose d’autres problèmes. La France, elle, aurait une ambition plus proche de l’assimilation.

Tu as souligné à juste titre que la France n’était pas les États-Unis, que les Français ne veulent pas du « communautarisme »2, de la « ghettoïsation », des violences interethniques. L’on ne veut pas laisser les individus livrés à eux-mêmes. L’idée d’une certaine égalité (et pas seulement des chances) entre ses membres y est très forte, et la liberté n’y est perçue comme légitime que si elle lui est soumise. Le respect de la laïcité, de la démocratie, des droits de l’homme : tout cela, les Français y sont attachés. J‘ose le gros mot, contre lequel moi aussi je trébuche souvent : c’est précisément ce qu’on appelle l’ « identité nationale ».

On l’a vu, ce n’est pas une identité en pur creux. On ne peut pas dire : « le propre de l’identité française, c’est l’absence d’identité, c‘est être ouverte à toutes les autres», car la première identité qui diffère de celle-ci a toutes les chances de la nier et, ce faisant, de la supprimer. Par exemple, à propos de la loi sur le port du voile à l’école, qui est assez contraignante, que tous ne comprennent pas : faut-il la changer pour intégrer les immigrants et respecter leurs coutumes, ou faut-il que les immigrants changent eux-mêmes de coutume pour s’intégrer à la France ? Dans les deux cas, il y a remise en cause d’une identité. Personnellement, j’ai tendance à penser que la deuxième est la « moins pire », que la culture française, participant en cela à l’européenne, est la seule à s’être intéressée aux autres par le passé, que si l’on veut être ouvert aux autres et leur apporter quelque chose, il ne faut pas s’oublier soi-même, mais garder au moins ceci comme valeur : l’ouverture aux autres. L’identité française est donc exigeante.

Cela ne mène pas à penser que les expulsions sont nécessaires. Personne n’est incompatible essentiellement à une autre identité. Le propre de l’être humain, c’est de savoir s’adapter aux circonstances particulières où il vit, d’en tirer le meilleur possible, de savoir céder ce qui est superficiel pour conserver le plus important. Ceux qui ne connaissent pas ces valeurs peuvent les apprendre et il est de notre devoir de leur enseigner ; mais ceux qui ne veulent pas les apprendre, qui ne veulent pas respecter la loi, il faut leur dire, avec fermeté, qu’ils n’ont rien à faire chez nous, et que nous n’avons pas à soumettre l’identité nationale à l’immigration, ni le respect de la loi à ces conditions. Se voir récompensé de dix ans de fraude par une naturalisation doit donner un bien curieux rapport à la loi et au devoir de la respecter3.

L’on invoque souvent, pour contredire cette fermeté, le devoir moral de l’hospitalité. C’est un devoir moral certes, mais qui s’adresse à la personne, pas à la société. L’on se doit d’accueillir l’étranger qui frappe à notre porte. Mais si l’on veut que la société intègre convenablement les immigrés, garantisse leurs droits (du type CMU, contrat de travail dans les règles etc.), leur fournisse du travail, l’on se doit aussi de dire que tous ne pourront pas être acceptés. Comme tous les ascenseurs, quand il est en surcharge, nul ne peut garantir l’arrivée à bon port de l’ascenseur social.

Certes, la métaphore est trop malthusienne (penser qu’il y  un nombre de richesses limitées pour une population globale en variation, ce qui est faux4) pour être entièrement pertinente. Dans une société authentiquement libérale, chaque personne est une richesse de plus et non pas un coût pour la société. Mais dans une société où l’Etat veut tout contrôler5, où l’on veut tout « régulariser », tout mettre sous le coup d’une règle6 en ôtant à la vie ce qu’elle a d’inconnu, où l’on veut tout « sécuriser » et fermer rapidement derrière soi la porte de son statut ventripotent, elle n’est peut-être pas entièrement dénuée de fondement : il est inévitable que les nouveaux membres aient des difficultés à s’intégrer.

Etrange que les deux catégories qui ont le plus de difficultés en France, les jeunes et les immigrés, aient justement ce point en commun : être des nouveaux arrivants dans un système cloisonné. Etrange que l’Etat providence conduise à une forme d’aigreur et d’égoïsme. Etrange enfin qu’en ayant les meilleures intentions du monde, ceux qui veulent « régulariser sans délai et sans condition les sans-papiers » soient les mêmes précisément qui empêchent, de fait, l’intégration des nouveaux arrivants.

Voilà donc le choix qui se propose à nous : s’inscrire dans la tradition française ou la faire évoluer dans un sens qui laisse plus d’espoir dans l’avenir, plus d’ouverture à l’inconnu, plus de liberté aux hommes, qui les laisse s’épanouir comme ils l’entendent, qui fait enfin confiance aux initiatives personnelles. Aucun pays n’est condamné à sa situation,  le propre de la démocratie c’est de savoir se corriger. Mais aucun changement ne se fera sur cette question si on ne règle pas le problème sur le fond et si la population ne cesse d’avoir ce culte pour l’Etat, les règles, les subventions, les impôts élevés, les monopoles du service public qui empêchent le libre choix, etc.

L’Etienne réel, au fond de lui, est un peu triste de devoir écrire cela ; la réalité, c’est toujours un peu triste. C’est décevant ; il n’y a pas ici de racisme, de stigmatisation des étrangers ; on ne peut identifier un camp au camp du mal, qu’il suffirait de supprimer pour supprimer le mal ; il n’y a que des calculs froids de possibles, et des faits, qui résistent aux fantasmes. Ca manque de poésie.

Pour y remédier donc, pour sortir du débat militant et retrouver le ton sain de la conversation au coin du feu sous l’égide des grands hommes du passé, je tourne le dos à M. Sarkozy et à Jaurès et vous propose une traduction rapide et personnelle de la fin d’un poème de Schiller, écrit en 1801, Der Antritt des neuen Jahrhunderts :

« C’est en vain que tu cherches, sur toutes les cartes du monde, la région paisible où le jardin de la liberté est toujours vert, où la superbe jeunesse de l’humanité est en fleur. […] Il n’y a de liberté [absolue] que dans la chambre des rêves, la beauté ne s’épanouit que dans les chansons. »

******

1 : Les Etats-Unis ont accueilli huit millions d’immigrants de 2001 à 2005 (27,59 immigrés pour 1000 Américains) la France 500 000 (7,81). 66%  de l’accroissement de la population britannique est due à l’immigration, contre 36% de la population française. On pourrait multiplier les exemples.

2 : Cela est discutable sur le fond, mais ce qui nous importe ici, comme dans la suite, ce sont les représentations.

3 : L’agitation législative de notre ex-ministre de l’intérieur adoré a traduit une volonté de changer ce système qui récompensait la fraude, qui légitimait l’immigration clandestine puisqu’elle était la seule possible, pour essayer de favoriser une immigration dans un cadre légal (ce qu’il appelle l’ « immigration choisie », qui n’a rien à voir avec l’immigration libre). Si la volonté est claire, la réalité effectivement se fait un peu attendre.

Les expulsions ont commencé en 1986, lorsque C. Pasqua était ministre de l’intérieur. Ce n’est donc pas Sarkozy qui les a inventées. Il a seulement levé un voile et dit clairement ce qui se faisait. La nouveauté qu’il a introduite cependant est la très douteuse notion de « quota », qui contredit clairement sa volonté de traiter la question au cas par cas, et s’inscrit dans cette détestable « culture » du résultat et du chiffre.

4 : Je peux développer ce point au besoin, mais cela nous entraînerait trop loin ici.

5 : Cela s’est passé en URSS, les soviétiques ont aboli l’argent et le marché, supprimé la liberté de circulation des biens, et bizarrement, celle des personnes. Je dis « bizarrement », parce que les pays qui prônent la libre circulation des biens (suivez mon regard : les Etats-Unis), prônent aussi celle des personnes ! Coïncidence bizarre n’est-ce pas ?

Rappelons aussi au passage ce fait : la France n’est pas un pays libéral économiquement. Plus d’un quart de sa population active travaille pour l’Etat, directement ou indirectement, la moitié environ du PIB français passe par l’Etat. L’influence de l’Etat sur la société est donc considérable, il a par exemple bien trop d’emprise sur les médias.

6 : En prévision d’une objection qu’un petit malin pourrait faire, la règle et la loi ne sont pas la même chose. La loi fait fonctionner, la règle veut dicter.

24 mars 2008

Planning à venir

28.03 >> La Palestine, le conflit israelo-palestinien (la signification du keiffier) par Francesca

4.04 >> La Tchétchénie par Nicolas

11.04 >> Ecologie et énergie, biocarburants

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8 février 2008

Déroulement type d'une réunion-débat

L'association propose des réunions-débats sur des thèmes d'actualité tous les vendredis à 12h dans la salle de réunion au-dessus de l'escalier bleu à côté de la cantine.

Les gens arrivent progressivement et s'installent. Les personnes qui assistent à nos réunions viennent de différents niveaux: actuellement les participants s'échelonnent de la 1er et la 2eme année de prépa.

La personne qui s'est proposée lors de la mise en place du planning effectue un bref exposé d'à peu près 20min sur le sujet en présentant le thème, les questions qu'il suscite, des faits, des chiffres... qui sont autant d'éléments qui préparent le débat à venir. C'est également un moyen d'apporter aux particpants des éléments factuels et concrets pour leur enrichissement personnel en matière de connaissance de l'actualité.

Une feuille de contact tourne avec l'adresse mail de l'association et pour récupérer les coordonnées de ceux qui désirent être contactés par l'assoc à l'occasion de nouveautés sur le blog ou pour les thèmes à venir.

Pendant les 40min restantes, le débat est lancé. On choisit une personne qui s'occupe du tour de parole: chacun lève la main et est ainsi inscrit sur la feuille de tour de parole. Ce système permet à chacun de pouvoir faire son intervention sans être interrompu. On essaye également de respecter un temps de parole à peu près égal pour chacun.

Vers 13h, la majeure partie des participants qui ont cours s'en vont. Les autres restent pour conclure la réunion et ranger la salle.

Claire

8 février 2008

Le Planning des débats passés et à venir

18.01 >> les sans-papiers par Millan

25.01 >> le mariage homosexuel et l'homoparentalité par Francesca (TOPO DISPONIBLE)

01.02 >> France/Afrique, France/dictatures par Marie

08.02 >> Médias, politique, publicité: la parole manipulée par Claire

15.02 >> L'altermondialisme par Millan

22.02 >> La prostitution par Claire

VACANCES

14.03 >> La Palestine par Francesca

8 février 2008

Topo sur le mariage homosexuel et l'homoparentalité par Francesca

Le sujet du débat du 25 janvier était la question du mariage homosexuel et de l'homoparentalité. Ces deux questions soulèvent les problèmes des valeurs traditionnelles familiale ainsi que de l'éducation appropriée pour un enfant. Il a eu y une dizaine de personnes de tout bord politique et le débat a été très animé.

La réunion a donc commencé par une présentation très axée sur la législation française autour du mariage et de l'adoption:

I. Qu'est ce que le mariage?

A. Le mariage c'est d'abord un symbol fort: d'une part une fête, une grande pompe, qui marque dans une certaine mesure l'entrée dans la vie adulte et l'acte instigateur pour fonder une famille, ensuite c'est une solanelle d'amour qui représente véritablement un rêve de stabilité et un idéal de fidélité pour ceux qui s'engagent. Socialement, c'est l'acquisition d'un certain statut honnorifique du couple, une entrée dans la norme.

Au niveau légal, et juridique, le mariage est décrit comme "la volonté sincère de se comporter comme mari et femme", le mari et la femme ont des droits égaux vis à vis d'eux même et de leur(s) enfant(s) selon l'article 12 de la convention des droits de l'Homme européenne. Selon le site officiel de l'Etat le mariage est "la célébration de l'amour fidèle qui scèle un lien indissoluble.

Ce qu'il faut comprendre pour ce sujet c'est que le mariage est une institution ancienne qui a connu très peu de changement depuis sa création au moment de la première république. La dernière modification date de 1970 et annulait la mention selon laquelle "le mari doit protection à son épouse et la femme doit obéïr à son mari". C'est donc une institution très conformiste certainement du fait de son héritage religieux.

200 000 mariage sont célébrés par en an en moyenne, l'âge moyen de l'homme est de 30 ans, la femme 28, l'écart de 2 ans est le même depuis une trentaine d'années. La première condition au mariage est l'altérité des sexes, ensuite d'avoir plus de 18 ans sauf autorisation parentale et enfin de ne pas cumuler plusieurs mariages la polygamie étant interdite en France. Il n'est donc pas possible à un couple de même sexe de se marier, par contre on peut épouser une personne morte ou en train de mourir si on peut fournir les preuves de son consentement.

B.Pourquoi vouloir le mariage homosexuel?

Homo ou hétéro, vouloir se marier ou non c'est un choix et pas tous les homosexuels veulent se marier. Pourtant, en droit, il est important que les couples aient tous les mêmes droits, sinon cela relève de la discrimination. Il y a bien sûr l'alternative du PACS, le pacte civil de solidarité, mais celui ci ne permet pas des droits de succession au conjoint, ni l'adoption, ni la naturalisation du conjoint si celui ci est étranger (ce que permet automatiquement le mariage) et les avantages fiscaux sont moins importants que pour le mariage.

C. Quelles sont les oppositions?

La principale contestation qu'on entend est l'effondrement de la valeur famille. On peut aussi constater que l'homophobie est encore très présente et notamment dans les milieux politiques. Ainsi, Vanneste, député UMP a déclaré en décembre 2004: "le comportement homosexuel est inférieur au comportement hétérosexuel [...] il est une menace pour la survie de l'humanité, le développement de l'homosexualité militante vas de pair avec le déclin". Il a dû s'excuser suite à cette déclaration.

Les arguments présentés lors de ce débat fuent très interessants: il a été proposer de trouver un autre non pour le mariage homosexuel sans discrimination mais pour signifier la différence de ce couple mais ayant les mêmes droits.

II. L'homoparentalité

A.Qu'est-ce que l'adoption, qu'est-ce que l'AMP?

Pour avoir un enfant sans reproduction, il y a deux moyens, mais les deux sont refusés aux homosexuels.
L'adoption est permi aux célibataires même si ceux-ci ont plus de difficultés. L'adoption concerne toute personne de plus de 28 ans mais celle-ci doit recevoir l'agrement de la DDASS. l'adoption par des homosexuels est autorisé en Belgique, en Grande-Bretagne, en Espagne et au Pays-Bas. D'ailleurs, la Belgique, la Grande-Bretagne, la Finlande et la Norvège reconnaissent des droits au conjoint d'un homosexuel parent.
L'AMP, l'assistance médicale à la procréation permet à un couple composé d'un homme et d'une femme marié ou pouvant justifier d'une vie de couple d'au moins deux ans, d'avoir recours à la fécondation artificielle. L'AMP est donc interdits aux célibataires et aux homosexuels. Rappelons aussi que le don de sperme et le recours à une mère porteuse ne sont pas autorisés en France, mais le sont en Belgique et aux Pays-Bas.

B. Pourquoi vouloir l'homoparentalité?

Tout d'abord, il faut savoir qu'en France, il y a 300 000 enfants vivants avec des parents homosexuels. 7% des gays sont pères, 11% des lesbiennes sont mères (elles ont souvent recours à l'insémination artificielle en Belgique ou aux Pays-Bas.)
Aussi, 36% des gays souhaitents être père, et 45% des lesbiennes souhaitent être mère.
Mais l'homoparentalité pose plusieurs problèmes; aujourd'hui, nous n'avons pas suffisement de recul pour connaître les impacts psychologiques sur l'enfant. Mais les psychologues affirment de plus en plus que le plus important pour l'enfant c'est qu'on ne lui mente pas sur son origine et qu'on lui explique les choses le plus tôt possible, à partir de là l'enfant pourra s'adapter. Ils disent aussi que c'est moins traumatisant pour l'enfant que de vivre un divorce.
L'association des parents gays et lesbiens: APGL, fondé en 1986 lutte contre les discriminations contre les homosexuels en cas de divorce ou d'adoption pas un homosexuel célibataire et demande le droit pour le compagnon d'un père (ou compagne d'une mère) d'adopter l'enfant si celui ci n'est reconnu par un seul parent, pour la reconnaissance d'un statut juridique à ces conjoints et pour l'AMP pour les lesbiennes et l'adoption pour les couples homosexuels ainsi que pour les célibataire et enfin demande qu'on réouvre le débat sur la maternité pour autrui.

C. Quelles sont les oppositions à l'homoparentalité?

La principale opposition est que l'enfant ne pourra pas trouver son identité sans le référent masculin et féminin. Mais l'on oublie souvent que quand un couple adopte, c'est toute une famille qui adopte, ainsi il y aura nécéssairement des référents masculins et féminins autour de l'enfant. On peut aussi faire appel ici aux couples "co-parents" c'est à dire l'éducation par deux lesbiennes et deux gays, ce qui se fait déjà beaucoup. Cet argument à l'inconvéniant de remettre en cause l'éducation suffisante fournie par une mère ou un père célibataire et dans une certaine mesure conteste le divorce.
un autre argument est que l'enfant élevé par des homos le deviendra lui aussi. Bon, et alors? Puis si ce déterminisme était aussi évident, comment expliquer que les hétérosexuels produisent des homosexuels?
Je cite maintenant Dominique Mareihary, présidente de Famille de France: "Les homosexuels sont des êtres en souffrance qui aspirent à la normalité, ce n'est pas pour autant que l'aspiration à la parentalité doit être satisfaite", d'après elle, les enfants consernés risquent d'être "peu frais psychologiquement".
Le député UMP Jérôme Rivière a fait signé un refus de l'adoption homosexuel par 280 députés: "Il ne nous paraît pas conforme à l'intérêt de l'enfant de permettre son insciption dans une filiation qui ne serait pas structuré rendre sa généalogie incohérante et de l'exposer dangeureusement à des difficultés d'identification de structure de sa personnalité.
Lors du débat, une personne a posé la question du risque de marchandage autour de la création de vies humaines à partir du moment où l'on développe toute un nouveau secteur d'activité autour de l'AMP ou l'adoption pour les homosexuels.

Francesca

24 janvier 2008

Message de bienvenue

Bonjour à tous et bienvenue sur le blog de l’association réunion-débat du lycée La Bruyère.

Ici vous pourrez trouver les comptes-rendus des réunion-débats ainsi que les présentations de sujets faites en début de séance, les informations (chiffres, données factuelles, articles de journaux…) apportées par chacun d’entre nous lors des réunions, mais également des éléments d’actualité sur les différents thèmes que nous aurons pu aborder.

Ce blog a aussi pour but de mettre à la disposition de tous non seulement les contenus des réunions (comme expliqué ci-dessus) mais aussi le planning des thèmes à venir, les mises à jour, les informations sur l’organisation en général (statuts, démarches, engagements, nouveautés...), des adresses internet intéressantes, des références de livres, de films, des informations sur divers événements… en bref, tout ce qui peut vous interresser et être utile au bon fonctionnement de l’association.

N'hésitez pas bien entendu à laisser des commentaires: remarques, avis, questions toute intervention est bienvenue. n'hésitez pas non plus à nous contacter en nous écrivant sur l'adresse mail de l'association:

lab_assoc@hotmail.fr

Nous tenterons de tenir ce blog à jour dans la mesure du temps disponible et de la bonne volonté de chacun.

Bonne visite

Claire

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